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Ciel rouge est un long métrage réalisé par Olivier Lorelle dont la sortie est programmée pour le 23 août prochain. Le film a pour toile de fond la guerre d’Indochine pour raconter une idylle entre deux combattants que tout oppose, Philippe sergent français et Thi, jeune prisonnière Việt Minh (le mouvement communiste et indépendantiste vietnamien) incarnée par Audrey Giacomini.

                             

Rencontre avec la jeune et charmante actrice principale dont les origines franco vietnamiennes résonnent avec le sujet du film.

L’interview a été éditée pour la publication.

Ciel rouge film de guerre ou d’amour ?

Pour moi Ciel rouge c’est avant tout une histoire d’amour qui en fait pourrait se passer pendant une autre guerre que celle d’Indochine. C’est plutôt l’histoire de deux personnes que tout oppose une idéologie, un pays différents et qui  se retrouvent à vivre ensemble. Comment naît l’amour entre deux personnes qui n’auraient jamais dû s’entendre en fait.

Le personnage de Thi est il inspiré d’un personnage réel ?

Le rôle de Thi est librement inspiré de plusieurs personnages réels. Olivier Lorelle s’est beaucoup documenté sur ces femmes du Việt Minh et surtout d’un livre Ao Dai- Du Couvent Des Oiseaux A La Jungle Du Viet-Minh de Xuân Phương. Xuân Phương  est une femme extraordinaire. Elle été éduquée dans un lycée français à Đà Lạt, avant de rejoindre le Việt Minh. Elle a vécu trois conflits, la guerre avec les japonais, la guerre d’Indochine et la guerre du Vietnam. J’ai pris beaucoup de notes sur son livre pour trouver la force qu’elle a eu pour interpréter le personnage de Thi. Pour nous documenter nous nous sommes fait aussi aider par Dao le chef décorateur et une ancienne actrice de théâtre de propagande vietnamienne. D’ailleurs à l’origine Thi devait être une actrice de théâtre de propagande cela n’a pas été retenu finalement.

Quel regard portez-vous sur son engagement ?

Quand Olivier a fait son casting au Vietnam, il posait la question suivante : si tu devais choisir entre l’amour et ton pays que choisirais tu ?  Je me suis inspirée de cela pour Thi : au début du film elle choisit son pays après elle bascule du côté de l’amour. Thi a un engagement sincère et entier. Quand elle s’implique en politique ou en amour elle le fait de façon totale, entière. Elle donne tout aussi bien pour son pays que pour l’amour.

C’est un rôle complètement différent du rôle de Phương que j’avais joué dans Saigon, l’été de nos 20 ans qui était celle d’une con gai employée pour séduire des hommes et faire du renseignement pour le Việt Minh. Contrairement à Phương, Thi n’est pas dans la manipulation et ne sait pas vraiment comment convaincre Philippe. Mais toutes deux finiront par rencontrer l’amour. (rires)

Comment s’est déroulé votre collaboration avec Cyril Descours ?

Cyril est le meilleur partenaire que j’aurais pu avoir sur ce film. Il arrive à vivre ses rôles. Lors de la toute première scène du film où dans sa chambre il prend la décision de libérer Thi, il a mis le niveau très haut au-dessus. Il avait improvisé seul cette scène et quand on a vu les rushs on a dit wow! C’est quelqu’un de très généreux qui donne et partage tout sans aucun ego mal placé ou artifice.

Qu’est ce vous pouvez nous dire sur la direction d’Oliver Lorelle et la manière dont il travaille ?

Nous avons beaucoup répété à Paris puis à l’Institut Français de Hà Nội. Olivier désirait être rassuré mais il voulait aussi qu’on soit les maîtres de notre temps de jeu. Il filmait à cette fin de longs plans séquences parfois jusqu’à 24 minutes. Olivier aimait beaucoup les improvisions et voulait être surpris.

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(source image ciel rouge)

Ciel est rouge a été tourné dans la région de Ba Bể.

Oui, les images de la région du lac de Ba Bể sont magnifiques. C’est une réserve naturelle protégée à laquelle on accède par bateau. Les séquences du paradis y ont été tournées et nous ont réservé de belles surprises. Dans la scène où on découvre le paradis plein de papillons s’envolent ce sont des vrais et c’était une improvisation dans le jeu.  Nous avons ensuite tourné dans le Hà Giang,  la vallée la plus profonde en Asie. C’était époustouflant de beauté, des maïs commençaient à pousser dans le paysage et la brume nous entourait.

Ciel rouge a été coproduit avec le Vietnam ? Comment s’est déroulé cette collaboration ?

La co productrice du film était Chiều Xuân, une célébrité au Vietnam qui a toujours pris soin de nous pour par exemple obtenir les autorisations auprès des autorités ou pour l’organisation des décors. A ce sujet on venait faire une prière chaque matin auprès de l’autel dressé pour les génies des décors. Ce n’est pas ma religion mais c’est quelque chose que j’ai fini par apprécier comme moment de sérénité.

Ciel rouge a été diffusé en avant-première au Vietnam. Quel a été le retour du public vietnamien ?

Le  retour du public au Vietnam a été super. La presse s’est tout de suite intéressée au projet, près de 80 journalistes étaient présents dans la salle de projection tous très intéressés et curieux lors des séances à Hà Nội et Sài Gòn. Après la projection, le public est resté pour un débat très intelligent sur nos choix artistiques. On m’a aussi interrogé sur mes origines vietnamiennes. Une personne a fait la remarque suivante : « votre nom au générique est étranger ». D’habitude en France c’est l’inverse par rapport à ma tête on me prend pour une étrangère. (rires)

Est-ce que vous avez eu des questions du public vietnamien sur le contexte historique du film ?

Le sujet a ,je pense, plu vu qu’il présente peut-être plus le point de vue des Việt Minh que celui des Français.  Mais le public n’a pas posé de questions sur le contexte historique seulement sur la dimension artistique du film.

Nous avons cependant été censurés sur trois scènes. Sur la scène d’amour sur le radeau au Paradis. Sur la deuxième scène de torture : on n’a pas pu montrer à l’écran un français qui se faisait torturer par le Việt Minh. Et sur une troisième scène où je prononce la phrase : « la Révolution peut ouvrir une ère nouvelle pour la femme ». On ne sait pas si c’est la phrase ou la nudité qui a dérangé. Ils ne disent pas pourquoi il y a eu de la censure. Alors pour la version vietnamienne nous avons fait des coupes franches sans remontage pour bien montrer qu’il y avait eu cette censure.

Jouer dans un film sur l’Indochine c’est un choix personnel?

Je me suis battu pour jouer dans le film, pour enfin un rôle écrit pour une vietnamienne qui ne soit pas une caricature, ni de prostituée ni de restauratrice avec en plus le contexte de l’Indochine.

J’avais passé le casting une première fois et je n’avais pas été sélectionnée. Mais j’ai insisté et c’est sans doute ce que cherchait Olivier, quelqu’un qui se bat pour avoir ce qu’il veut.

Pourriez-vous nous parler de votre histoire familiale ?

Mon grand père est eurasien et ma grand mère 100% vietnamienne. Ils ont pris la nationalité française que ma mère a eu de naissance. Ma mère est partie à l’âge de 4 ans du Vietnam. Ma famille fait partie des rapatriés français d’Indochine, elle a quitté le Việt Nam volontairement en 1961 : la France leur avait proposé de partir à ce moment dans le cas contraire elle ne serait plus responsable de ce qui arriverait ensuite. Ma famille a été ensuite hébergée dans d’anciennes maisons de mineurs. Ma mère était arrivée en hiver et cela lui faisait tout bizarre. Elle voyait de la fumée sortir de la bouche des français et elle croyait que tous les français fumaient. (rires)

Ci dessous un reportage sur le Village d’accueil des rapatriés d’Indochine de Noyant D’allier et le CAFI de Saint Livrade

                 

Est-ce que vos proches vous ont parlé de ce qu’ils ont vécu pendant la guerre d’Indochine ?

Ils n’en parlent jamais. Mon grand-père était je crois traducteur. Je pense pour l’armée française. [ou peut être pour l’Armée Nationale du Vietnam, les vietnamiens non communistes opposés au Việt Minh]. Je ne suis pas tellement sûre il n’en parlait pas. Ma grand-mère et ma famille sont du sud, de Sài Gòn. L’Indochine ils n’en ont jamais vraiment parlé. C’est plus lors de mon rôle précédent pour Sài Gòn, l’été de nos 20 ans que j’ai pu parler à ma grand mère du passé, de comment une jeune fille du sud de cette époque se tenait, se coiffait.

Prochainement Audrey Giacomini se produira prochainement dans la série Kim Kong, une comédie absurde sur les dérives du totalitarisme et le 7e art.

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