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A l’occasion de l’année France / Vietnam, de nombreux événements sont organisés, notamment un panorama des œuvres cinématographiques vietnamiennes du 11 au 22 juin à la Cinémathèque française. L’équipe des cahiers du Nem est venue voir le film d’ouverture « la saison des goyaves » (et juste pour montrer que je connais quelques mots, je vous donne le nom original : Mùa ổi) du réalisateur Dang Nhat Minh. La fin de la semaine approche, alors dépêchez-vous si vous souhaitez découvrir ou approfondir un cinéma encore méconnu en France.

Je suis une vraie inculte du cinéma asiatique en général, alors je vais faire un aveu : la saison des goyaves est le premier (et seul) film vietnamien que j’ai vu pour l’instant. Mais il faut toujours une première fois, et cette première fois a donc eu lieu dans l’amphithéâtre de la Cinémathèque de Paris. La saison des goyaves tourne autour d’une famille et d’une maison, et porte la thématique principale du passé : à quel point le passé est-il déterminant dans notre vie ? Comment la découverte du passé d’une simple demeure peut altérer ses anciens et nouveaux habitants ?

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L’histoire est relativement simple : Hoa est modèle à l’école des beaux-arts de Hanoi. Depuis qu’il est tombé du goyavier de sa maison à l’âge de 13 ans, son intellect a cessé de grandir et désormais, c’est sa sœur qui s’occupe de lui. Même si la famille a depuis déménagé, sa maison à lui, c’est toujours l’ancienne bâtisse surplombant Hanoï et dans laquelle vit la fille du nouveau propriétaire, Loan. Un jour, il décide de s’y introduire. C’est à lui qu’incombe la tâche d’arroser le goyavier. La jeune fille, d’abord effrayée, le prend en amitié et petit à petit, se dévoile l’histoire de la maison…

 Derrière cette histoire familiale qui restitue la vie des vietnamiens de petite bourgeoisie entre la fin de la guerre et la fin des années 90 environ, se tisse, comme évoqué plus haut, une vraie réflexion sur le passé et sur l’appropriation du passé dans notre vie. En l’occurrence quelle est la relation des vietnamiens avec leur passé, avec cette époque qu’on garde parfois sous silence dans les livres d’histoire (spoliations de demeure, envoi dans des camps de travail etc.) ? Il y a un message presque politique dans ce film de facture néanmoins très classique.

 Je pourrais reprocher au film quelques longueurs, un démarrage plutôt lent et une histoire assez linéaire. Il semble même presque déjà daté pour un film des années 2000 (on se rend compte à quelle vitesse le Vietnam se métamorphose !). Néanmoins, le film ne manque pas d’attraits. Ses personnages sont attachants. En particulier, j’ai aimé Hoa, avec ce côté assez simplet mais tellement généreux et gentil. Et surtout, ce que j’ai aimé -et ce fait est très personnel-, c’est de découvrir un paysage étranger et en même temps totalement familier. La vie grouillante et sonore, les rues bondées et animées, un marché à la sauvette, chacune des images m’a renvoyée à ma propre histoire, celle que je n’ai pas vécue mais que j’aurais pu vivre, une vie que je crois connaître et que pourtant je découvre aussi. Et la problématique même du film renvoie ici à cette interrogation lancinante qu’une personne d’origine vietnamienne peut se poser : le passé vietnamien est-il le sien ou déjà celui d’un autre, et à quel point se l’approprie-t-on ?

L’avis de l’admin

La saison des goyaves est une histoire familiale comme les affectionne souvent la littérature et le cinéma vietnamien. Mais ici, dans une démarche qui m’a fait pensé un peu au récit de Marcelino Truong , une si jolie petite guerre , l’histoire de la famille de Hoa se conjugue avec l’Histoire avec un grand H. Dans le long métrage de Dang Nhat Minh c’est le nord Vietnam post dien bien phu qui est remémoré.  Avec en filigrane un épisode historique qui bouleversa la société vietnamienne dans des proportions telles qu’il est considéré par les historiens comme étant l’événement le plus cataclysmique de l’histoire du Vietnam après les guerres  d’Indochine:  la réforme agraire et la collectivisation des biens privés qui l’accompagna dont l’ancienne demeure de Hoa fut aussi l’objet. (cf la guerre du vietnam selon Hanoi).

Est évoqué avec pudeur la difficulté du travail de mémoire dans la société vietnamienne  à travers les époques. Si dans les années 50 l’idéologie en vigueur prônait de faire du passé table rase , dans le Vietnam d’aujourd’hui c’est la vénalité d’un capitalisme débridé qui efface peu à peu le souvenir des valeurs humanistes d’antan.

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D’ailleurs à quoi servent les souvenirs pose la question le père de Loan tandis qu’il punit sa fille, coupable d’avoir voulu refaire vivre un passé révolu en accueillant Hoa dans son ancienne demeure. Pourquoi Hoa tient-il tant à préserver ses souvenirs familiaux ?

Parce qu’ils permettent d’honorer les disparus et leurs idéaux , comme celui du père de Hoa qui était de rêver d’une société régie par le droit et la justice alors même qu’il subissait l’arbitraire d’une répression  d’inspiration maoïste. Parce ce que se souvenir c’est  essayer de se rappeler de ce qui dans le passé a défini votre humanité . Et une société qui devient amnésique comme finira par l’être Hoa  après un internement psychiatrique forcé rappelant les méthodes de certains régimes pour se débarrasser de leurs opposants, perdra son âme. C’est sans doute pour tout cela on dit parfois de la mémoire qu’elle peut être un devoir.

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