Kill anything that moves fut un des événements de la littérature historique américaine de l’année 2013 et un  livre choc sur les crimes de guerre commis par l’US army. S’il ne fait pas de doute que les atrocités de l’armée américaine au Vietnam furent importantes, comme à My Lai et selon certains historiens dans une trentaine d’autres crimes de guerres, la méthodologie de Nick Turse a été cependant remis en cause par des historiens spécialistes de la guerre du Vietnam comme Peter Zinoman.

Un débat semble également exister sur les données sur lesquelles le livre de Nick Turse se base. En citant une étude de la Harvard Medical school , Turse avance que le nombre total des pertes civiles et militaires durant la guerre du Vietnam pourrait s’élever à près de 3,8 millions de victimes dont les troupes américaines seraient en très grande majorité responsables. Or une lecture plus attentive de l’étude révèle cependant  que près de 810 000 victimes sont comptabilisés sur  la période 1975-1984 soit en majorité après la fin du conflit vietnamien qui s’est achevé le 30 avril 1975. En conséquence, ils n’auraient pas dû être en totalité considérés comme liés à la guerre du Vietnam. En outre une part non négligeable des victimes recensées par l’étude d’Harvard  -environ 1,3 million de victimes- seraient survenues dans la période précédant l’intervention américaine durant les années 1955-1963.

Cela est intriguant, car si on rapproche ce chiffre des connaissances historiques existantes (http://necrometrics.com/20c1m.htm#Vietnam)qui faisaient état d’un total de pertes de près entre environ 250 000 et  300 000 individus entre 1960 et 1965 , cela fait 1 million de décès qui seraient inexpliqués. Une statistique qui interpelle dont le professeur François Guillemot a créé une discussion ouverte à tous, à laquelle les Cahiers du nem a pu participer:

http://indomemoires.hypotheses.org/13367

NB: réagissant à l’article sur le site indomémoires, l’historien Shawn McHale considère que l’estimation d’Harvard n’est « pas fiable ».

Il y a beaucoup de problèmes avec le taux de mortalité de 3,8 millions cité par Turse et basé sur l’étude de Obermeyer, Murray, and Gakidou (OMG). Tout d’abord, l’étude de OMG extrapole sur une base de données de 4000 familles pour arriver à un taux de surmortalité pour le Vietnam entier. La question se pose: est-ce qu’il s’agit d’un échantillon représentatif de la population entière? (Pour une étude qui arrive à un taux de mortalité lié à la guerre qui est beaucoup plus bas, voir l’étude des démographes Charles Hirschmann et Vu Manh Loi). Deuxièmement, je me méfie des chiffres de mortalité des années 1955 à 1964 dans OMG. Dans le nord, il n’y avait pas de guerre entre 1955 et 1965, et la mortalité liée à la guerre était près de zéro.

Dans le sud, jusqu’au début des années 60, il y avait peu de combats entre le gouvernement de Saigon et le FLN. L’idée que, en moyenne, il y avait 131.000 morts, engendrés par la guerre, chaque année entre 1955 et 1964 dans le sud manque donc de crédibilité. Encore plus étonnant est l’idée que la surmortalité liée à la guerre entre 1965 et 1974 était, en moyenne, 170.000 par an. Serait-il possible que l’arrivée de l’armée américaine en 1965 ait entrainé une hausse miniscule de mortalité annuelle entre 1965 et 1974 de 39.000 morts par an: de 131.000 à 170.000? Cette estimation statistique n’est pas fiable.

Shawn McHale (The George Washington University)

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