maxresdefault

Que penser du dernier cru de Kurosawa? mon avis ne saurait être assez juste tant la fatigue accumulée tout au long de la semaine ne me permettait pas d’avoir la concentration nécessaire. Il est donc conseiller à tous ceux qui iraient le voir prochainement d’être attentif au moindre détail car ce film ne se laisse pas dompter aisément: sa construction dramatique procède par un aller-retour finement élaboré entre passé et présent, mais plus encore par un onirisme qui refuserait toute logique scénaristique pour ne se bâtir que sur un réel évanescent. C’est d’autant plus déconcertant que la première heure du film me laissait assez circonspect, se permettant des circonvolutions mélodramatiques assez peu habituelles pour un cinéaste d’un tel rang. Un homme, disparu voici fort longtemps en mer, revient habiter les souvenirs de sa femme pour mieux racheter une faute que l’ont pense somme toute plutôt banale, du moins au départ. S’ensuit un déroulé charmant mais sans grande originalité ou cette réapparition nous est imposés, à nous spectateurs comme à ces deux êtres de fiction, comme une situation normale. Nos deux tourtereaux se redécouvrent et reconstruisent une vie de couple dans un romantisme pour le moins schématique. Toujours avec ce style qui le caractérise, les plans sont élégamment tournés et les acteurs ravissants mais l’on se demande ce que le nouveau maître du fantastique peut bien vouloir chercher dans ce registre.

C’est alors qu’un premier basculement s’opère, qui parait inoffensif mais qui s’avérera tardivement plus explicite. Une simple rencontre avec un vieil homme, ancien complice du revenant, nous en apprend plus sur la vie de ce « fantôme ». Les prémices d’une conscience refoulée se dévoilent sur un tempo plus trouble et l’anxiété affleure par le biais d’une mise en scène ou surgissent des jeux d’ombres et de lumières perturbant la linéarité du récit. Le comportement inquiétant du vieux monsieur corrobore également cet intrusion du fantastique. La transition est alors définitive lorsque l’épouse du spectre s’essaye au piano et se fait interrompre brutalement par une collègue de travail, qui lui explique les raisons de son abandon pour la musique classique. Un rapport à l’autorité parentale malheureux et un sentiment d’être passé à coté d’une vie meilleure marque la scène d’une empreinte étrange. Une espèce de douceur horrifique que Kurosawa filme comme un trauma est accompagnée d’une musique lancinante et d’un cadre flottant, comme pour remuer un passé qui ne serait pas totalement révolu. La suite n’est que réminiscence de fautes non expiées ou passer « vers l’autre rive » signifierait ne pas réussir à vivre son chemin de croix intérieur et chercher le pardon dans « l’au- delà ».

Si la fin du film n’évite pas quelques poncifs, elle sait aussi émouvoir presque inconsciemment. Il me faudrait avoir l’esprit plus clair pour avoir plus de certitudes mais la sensualité qui se dégage des étreintes du couple me parait moins « gratuite » après coup. Ce serait la concrétisation « réelle » d’un amour inachevé du temps ou l’amant de chair et de sang était incapable d’exprimer ce sentiment. Il aura fallu qu’il s’évapore de son enveloppe corporelle pour que son subconscient puisse prendre le relais. De même, cette très belle idée de ne pouvoir sauver un compagnon d’infortune car celui-ci ne sait se résoudre à vivre avec un péché inextinguible. La femme de ce dernier tente de le rejoindre dans cet autre monde mais ne peut qu’échouer car sa dévotion est entière et sincère. Plusieurs autres clefs de compréhensions parsèment ainsi le long-métrage et peuvent en donner une lecture autre. S’il me faudrait une seconde vision pour une meilleure argumentation, point n’en est besoin pour reconnaître les évidentes qualités du japonais: encore et toujours une belle maîtrise des genres qui aboutit à une harmonisation que peu de ses compères possèdent. Romance autant que drame, il lorgne avec un à-propos toujours aussi juste sur la psyché humaine et n’oublie jamais que le surnaturel est le meilleur ami des conteurs inspirés. Puisse mon avis être encore plus juste lorsqu’il me sera apparu toutes les subtilités qui m’ont échappées lors de son premier visionnage.

Previous articleComing Home de Zhang Yimou
Next article14 janvier 1979 le décès d’Adolph Dubs à Kaboul

Laisser un commentaire