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« Défendre le mouvement démocratique à Hong Kong permet de se souvenir des origines de la démocratie japonaise. »

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Illustration: Dans les temples au Japon, on retrouve souvent des tablettes votives portant un message de soutien aux manifestations à Hong Kong. Elles sont parfois aussi vandalisées. source : Twitter / Nursemens4321

Le mouvement de solidarité pour les manifestations à Hong Kong ne se cantonne pas à l’ex-colonie britannique. Depuis le début des manifestations, des initiatives de soutien à la contestation hongkongaise ont émergé un peu partout en Asie. Au Japon, des groupes d’étudiants s’engagent pour soutenir le mouvement démocratique hongkongais. La mobilisation à Hong Kong semble également servir d’exemple pour une partie de la jeunesse au Japon. Elle s’en inspire pour questionner les limites démocratiques de la société japonaise. Entretien le 11/01/2020 avec le responsable d’un de ces groupes, Niki Takatsugu, fondateur du Youth Democracy Promotion Agency.

Traduction par J. Sakamoto

Comment les Japonais perçoivent-ils les manifestations à Hong Kong ?

C’est malheureux à dire, mais peu de Japonais sont vraiment intéressés par les manifestations à Hong Kong. On observe le même phénomène de désintérêt des Japonais vis-à-vis de la politique intérieure de notre pays. Mais il existe beaucoup de personnes qui éprouvent intérieurement de la sympathie pour les Hongkongais.  Une partie des Japonais exprime son soutien comme nous le faisons, et celui-ci s’étend.

Quelle est la position des partis politiques japonais vis à vis du mouvement de contestation à Hong Kong ?

Le 14 novembre 2019, le Parti Communiste Japonais [1](PCJ) a publié un communiqué intitulé “Nous demandons l’arrêt immédiat de la répression à Hong Kong”. En réaction le Parti Libéral Démocrate (PLD), qui est le parti au pouvoir, a adopté une résolution au sein de son comité pour les relations extérieures pour soutenir le principe “d’un État deux systèmes”. La déclaration du PLD demandait « aux parties de trouver une solution à travers une discussion mesurée et apaisée ». D’autre part, le parti d’opposition de “l’Association pour la restauration[2] du Japon” a déposé une proposition de loi sur la situation à Hong Kong à la chambre des conseillers (la chambre haute). La session extraordinaire organisée à cet effet n’a pas abouti à son adoption. Depuis lors, certains élus avancent individuellement sur ce sujet, sans pouvoir mobiliser au sein de leurs partis.

Le suffrage universel est une mesure centrale des cinq demandes, les revendications principales des manifestants. En quoi la défense de la démocratie à Hong Kong pourrait-elle être importante pour le Japon ?

D’un point de vue plus personnel, le Japon est effectivement doté d’un système électoral démocratique, mais le peuple japonais n’est pas doté d’une compréhension suffisamment profonde de l’idée démocratique. Il existe bel et bien un caractère féodal et autoritaire de la société japonaise, qui s’exprime à travers les individus.

Cependant, autrefois les Japonais ont créé au XIXème siècle un mouvement réclamant la constitution d’une assemblée populaire. On comptait un grand nombre de personnes dans leur vingtaine parmi les membres de ce mouvement populaire. Je pense qu’ils auraient eu beaucoup à partager avec la jeunesse de Hong Kong d’aujourd’hui.  Mais la mémoire historique de ce mouvement au Japon est malheureusement éteinte. Les politiciens japonais d’aujourd’hui non plus, ne possèdent pas cette mémoire d’un mouvement civique japonais. Je pense que défendre le mouvement démocratique de Hong Kong permettrait de se souvenir des origines de la démocratie japonaise. Si le Japon pouvait porter à maturité une parole et les actes d’une véritable démocratie, il participerait sans doute à la stabilité et au développement de l’Asie de l’Est.

Les détracteurs du mouvement pro-démocratie à Hong Kong prétendent qu’il est sinophobe. Qu’en est-il au Japon ?

Il est incontestable que les opinions critiques ont augmenté après la diffusion dans les médias japonais des images où les manifestants s’adonnaient à des violences extrêmes. Mais quand on regarde les sondages d’opinion à Hong Kong et le résultat des élections municipales de novembre 2019, on peut affirmer que malgré tout, la majorité des citoyens de Hong Kong soutient les démocrates. En tant que militant respectant l’auto-organisation citoyenne, je pense que nous devrions aussi les soutenir.

Quel type d’actions ont été entreprises au Japon pour soutenir la contestation à Hong Kong ?

Il s’agit de mes informations personnelles : en dehors de la pétition que nous avons lancée, il existe des rassemblements et des manifestations en ville, des interpellations d’élus locaux par des groupes de citoyens, des avis émis par les conseils municipaux vers le parlement, et de manière étalée, des prises de position par des faiseurs d’opinion. De plus, la diffusion des informations est assurée par des groupes de « civic tech [3]» à travers deux initiatives :  “l’agrégateur sur la loi sur l’extradition à Hongkong” et “comment soutenir à distance les mouvements de révolte à Hong Kong”.

Le mouvement de solidarité avec les manifestations à Hong Kong semble devenir un phénomène globalisé. Existe-t-il des contacts ou des échanges entre les groupes hongkongais et leurs équivalents en Asie à Taiwan ou en Corée ?

A nouveau, je parle en mon nom, quand bien même il y aurait des prises de contact de la part des élus au parlement ou de groupes citoyens, je pense qu’elles s’organisent de la même manière que les manifestants à Hong Kong : les initiatives de solidarité sont indépendantes, autonomes et non coordonnées.


[1] Dans sa dernière déclaration de programme, le Parti Communiste Japonais a tenu à se distinguer de la ligne de son homologue chinois en qualifiant celui-ci de « grande puissance chauviniste » menaçant la paix régionale et portant atteinte aux droits de l’homme.  https://www.scmp.com/week-asia/politics/article/3046856/chinese-communist-partys-chauvinism-threat-peace-japanese

[2] L’Association pour la restauration du Japon se traduit en japonais par Nippon ishin no kai. Ishin est un terme qui renvoie à l’avènement de la période Meiji et de l’occidentalisation. La formation politique en question peut jouer sur l’ambivalence du terme pour s’appeler tour à tour le parti de la révolution, de la restauration, de la rénovation, de l’innovation, politique.

[3] Le mouvement des « Civic Tech » prône l’utilisation des nouvelles technologies à des fins citoyennes pour promouvoir une démocratie numérique.

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