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Il existe plusieurs attitudes possibles pour surmonter les blessures du passé. On pourrait se satisfaire d’un silence arrangeant et laisser imperturbés les sentiments douloureux issus des tourments de l’Histoire en espérant que l’oubli les emportent. Ou au contraire décider de faire face aux tragédies qui parsèment notre mémoire pour tenter par une discussion franche et ouverte de les comprendre et par la même de commencer d’en guérir.

Le dernier roman graphique Give Peace A Chance (GPAC) de Marcelino Truong entreprend cet éprouvant mais nécessaire travail mémoriel pour un des conflits les plus dramatiques du XXème siècle, la guerre du Vietnam. L’auteur entend se faire le porteur d’une voix peu entendue, celle des vaincus. Les conflits les plus célèbres sont souvent les plus méconnus. En ce qui concerne le Vietnam, les guerres qui ont ravagé ce pays ont souvent été amputées dans leur récit médiatique de leur dimension fratricide.

Loin de se réduire à une lutte du peuple vietnamien uni dans un combat contre l’Amérique, la guerre du Vietnam peut aussi se comprendre comme le prolongement d’une guerre civile mêlée aux problématiques de la guerre froide qui débuta dès 1945 durant la période troublée (1) précédant le premier conflit indochinois, soit deux décennies avant le début officiel de l’intervention américaine au Vietnam.

De 1959 à 1975 ce sont deux États vietnamiens qui se combattirent entre eux :au Nord-Vietnam un régime marxiste allié au bloc de l’Est, au sud une république non-communiste soutenue par les États-Unis. Et c’est de la perspective de la défunte République du (Sud) Vietnam que Marcelino entend décrire le conflit.

P 253 Lê Minh Dao GPAC

En 2013 paraissait Une si jolie petite guerre (USJPG) un roman graphique racontant l’enfance de l’auteur dans le Saigon des années 60, vécue dans les prémices de cette guerre du Vietnam. Le nouvel opus de Marcelino, Give Peace a Chance reprend et approfondit le sillon creusé par USJPG mêlant de nouveau l’intimité de la famille Truong à la grande Histoire.

Après la période Diem qui s’achève en 1963, Marcelino mène le récit du conflit vietnamien jusqu’à son terme en 1975. Et c’est à Londres que la petite famille s’installe.

Mais même pour destination un pays en paix, tout exil a un prix : celui du déclassement du père de Marcelino qui doit abandonner sa position privilégiée à l’ambassade du Sud-vietnam,de la quête de sens pour les enfants dont on suit avec émotion le chemin de vie.

La guerre paraît en apparence bien lointaine depuis cette Europe en pleine époque hippie qui par ailleurs érige le peace and love en tant que slogan contestataire. GPAC nous plonge alors dans le contexte politique qui prévalait à l’Ouest durant les années 70 et raconte la vindicte dont furent victimes les sud-vietnamiens dans le discours pacifiste occidental.

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Qualifiés de fascistes, marionnettes des États unis par les progressistes occidentaux, affublés de l’outrage déshumanisant de fantoches par leurs adversaires du Nord, la voix des vietnamiens refusant l’idéal communiste fut constamment méprisée avant d’être rendue inaudible dans la clameur anti-guerre. Le dénigrement des sud-vietnamiens se prolongea d’ailleurs après la fin du conflit.

S’il est coutume que les vainqueurs écrivent l’Histoire à leur profit, c’est cependant un effacement systématique de toutes traces de ce passé du sud vietnam qui fut entrepris après guerre. Un véritable acharnement mémoriel opéré même hors du Vietnam qui se traduisit par la destruction commanditée diplomatiquement des monuments en commémoration de l’exode des boat people érigés à l’étranger.

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Destruction du mémorial pour les boat people de Pulau Galang, Malaisie (2005) et du monument aux Rangers sud vietnamiens, 30 ans plus tôt.

Face aux certitudes des progressistes, Marcelino jeune adolescent ne peut qu’opposer que ses doutes et son désarroi vis à vis de l’épreuve que subit sa famille restée au Vietnam.

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Mais de ce questionnement l’auteur en fait un rempart clairvoyant contre les unanimismes béats, et c’est par sa volonté de saisir les causes et conséquences profondes du conflit qu’il parvient à sortir des aveuglements idéologiques de tous bords. Un examen de conscience que seuls les vaincus, relégués aux franges de l’Histoire semblent avoir l’humilité de faire, contrastant avec le dogmatisme sans réserves de l’époque.

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Da Nang, Mars 1975. Une mère pleurant son enfant touché par une roquette Vietcong

Dénué de haine mais avec lucidité, Marcelino réalise alors l’inventaire objectif du conflit, dénonçant avec équité les atrocités de chaque camp. Aux free fire zones americano-sud-vietnamiennes, il confronte les bombardements punitifs du FNL à coups de roquettes B40 contre les réfugiés osant fuir le maquis où ils étaient sous contrôle VC. Au napalm qui consume jusqu’aux enfants est juxtaposé le massacre de Huê commis par les forces armées du Nord-Vietnam pendant lequel des civils furent exécutés les mains liées.

Marcelino analyse aussi d’un œil froid la mécanique des totalitarismes renvoyant dos à dos les inconditionnels du maoïsme qui se pâment devant l’air « doux et bon » du grand timonier et l’extrême droite dont le soutien de circonstance au Sud Vietnam n’est que le prétexte à l’expression d’un racisme post colonial.

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La une du New York times du 2/02/1968. Elle montre l’image iconique d’eddie adams de l’exécution d’un prisonnier de guerre mais aussi celle d’un enfant d’un officier sud-vietnamien assassiné lors d’un raid d’un commando du FNL. La juxtaposition des deux images avait été décidée par la rédaction du new york times dans le souci de mettre en perspective la brutalité de l’exécution du général loan avec celle du Vietcong responsable de nombreux assassinats de civils lors de l’offensive du têt

Dans sa quête de vérité,GPAC nous invite à prendre le recul nécessaire face aux images célèbres qui ont accompagné notre vision du conflit. En particulier, Marcelino révèle toute la complexité du contexte de la terrible photographie d’Eddie Adams montrant l’exécution d’un cadre du FNL par le général Loan, chef de la police sud-vietnamienne. Si les opinions occidentales dénoncèrent avec raison le crime de guerre patent de Loan, elles demeurèrent néanmoins totalement aveugles aux assassinats perpétrés par le cadre exécuté qui fut pourtant responsable du massacre d’une famille entière d’un officier sud-vietnamien.

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Relever de l’oubli le rôle les soldats de l’Armée de la République du (Sud) Vietnam (ARVN) est aussi le souci du roman graphique de Marcelino. Il nous rappelle que la guerre du vietnam fut avant tout vietnamienne et que les forces armées du sud en payèrent le prix du sang bien plus que les américains. Durant les combats accompagnant le Mua He Do Lua, l’été rouge de feu de 1972, l’ARVN eut ainsi son Verdun à An Loc, son Stalingrad des Hauts Plateaux à Kontum et l’équivalent de la bataille d’Iwo Jima à Quang Tri.

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Dans la défaite de 1975, GPAC redonne aussi à cette armée du Sud un peu de son honneur perdu en décrivant les combats acharnés mais totalement ignorés qui se déroulèrent à Xuan Loc, Saigon qui contrairement aux idées reçues d’une capitulation aisée ne tomba pas sans une résistance désespérée mais têtue de certaines unités de l’ARVN.

Give Peace a Chance, le titre du roman ,incarnait l’espérance naïve des pacifistes d’occident. Ce à quoi les historiens répondent catégoriques en ce qui concerne le Vietnam « peace never had a chance »(2) : si tous les belligérants optèrent pour la solution militaire pour parvenir à leurs fins, dans l’esprit des vainqueurs nord-vietnamiens la paix ne pouvait s’obtenir qu’au bout du canon du fusil. Les moyens pacifiques promis par Hanoi pour la résolution du conflit, ils prirent la forme d’un char soviétique de 36.5 tonnes défonçant le 30 avril 1975 le portail du palais présidentiel sud-vietnamien et par la même le mirage de cette paix tant souhaitée par les progressistes mais qui n’avait jamais été dans les volontés du Politburo.

P 263 T54 devant palais de l'Indépendance 30-04-75 GPAC

Dans l’introduction de Give Peace a Chance figure un enseignement de bouddha qui pourrait incarner la morale du roman « L’acte de pardonner nous profite d’abord à nous-mêmes, puisque nous cessons ainsi de porter le fardeau du ressentiment. Mais nous n’accepterons pas pour autant que l’injustice se reproduise ». En ce qui concerne l’Histoire, le pardon n’a de portée que s’il s’accompagne du devoir de mémoire. Car c’est seulement en l’écrivant qu’on peut tourner la page et ceci le roman graphique de Marcelino le réalise de la plus belle des manières.

(1) Au coeur de la fracture vietnamienne : l’élimination de l’opposition nationaliste et anticolonialiste dans le Nord du Vietnam (1945-1946) F. Guillemot

(2) Hanoi’s War An International History of the War for Peace in Vietnam Lien Hang T Nguyen

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6 COMMENTS

  1. _je vous cite , vous parlez au début :  » pour surmonter les blessures du passé , …..  » ; l’attitude la plus courante serait une évolution en cinq étapes connues sous le vocable « travail de deuil  » : déni , colère , marchandage , dépression ,acceptation . Les anticommunistes après 40 ans en sont encore au déni
    _ je vous cite  » la guerre américaine loin de se réduire à une lutte du peuple vietnamien uni dans un combat contre l’Amérique  » : non , elle fait partie d’un continuum , d’une réaction en chaine infernale incontrôlable qui a commencé en 1858 ; elle fut, ce que Marcelino Truong veut occulter , une étape d’une longue marche du peuple VN , marche qui a commencé à la chute de Huê’ , ce ne fut jamais une GUERRE CIVILE ( sauf avant 1946 quand le Vietminh et le VNQDD se sont combattus )
    Le peuple VN a lutté toutes ces années pour chasser les étrangers et leurs supplétifs , la greffe de la Guerre froide n’a fait qu’obscurcir le sens de cette lutte , ce « sens de l’histoire  »
    Vous attribuez à Truong de la lucidité
    Lui et les sud VN en sont loin . Ils sont torturés par un sentiment désespéré d’avoir été injustement traités par l’opinion mondiale
    Ce sentiment est fondé sur une intoxication mentale . Ils sont imbus du sentiment d’incarner le Bien , ce sentiment est nourri par une idolâtrie de l’Amérique , aggravée par le lavage de cerveau américain qui leur a inoculé le virus de l’anticommunisme primaire , manichéen et une diabolisation
    démentielle , infernale ( sic ! ) des communistes VN
    S’ils arrivaient à se désintoxiquer de leur anticommunisme , ils verraient qu’on vit dans un monde où la physique règne .
    Ils ont été battus parce qu’ils ont été surclassés physiquement , scientifiquement par plus fort qu’eux . S’ils pouvaient prendre du recul , ils verraient
    que leurs adversaires leur étaient supérieurs sur tous les points de vue : légitimité politique , organisation ,rigueur , discipline , motivation , esprit de sacrifice , endurance , avantage stratégique , adhésion populaire ( surtout auprès des paysans ) , sanctuaires etc….
    Au niveau des atrocités , Truong veut mettre dos à dos les Américains et les communistes . Les victimes collatérales et les dégâts infligés par les Américains ont été 1000 fois plus graves que celles des Américains .
    Les boat people ont souffert terriblement ; ils ont constitué 3 à 5% de la population du sud VN (dont les 3/4 sont Chinois ou catholiques ) Mais dans l’histoire de l’humanité , leur cas n’est pas unique . Après la victoire des indépendantistes américains contre l’Angleterre , 3% des colons pro-anglais sont partis au Canada ou ailleurs
    Les anticommunistes devraient réfléchir à tout cela et passer aux étapes suivantes du deuil

  2. Bonjour Mr Ung Do je présume,

    Je crains que vous ne voyez pas ou ne voulez pas voir que le rapport qu’ont les vietnamiens avec l’Histoire est bien plus nuancé que la caricature datée et dépassée dont vous avez fait la reproduction ici.

    « Lui et les sud VN en sont loin . Ils sont torturés par un sentiment désespéré d’avoir été injustement traités par l’opinion mondiale.Ce sentiment est fondé sur une intoxication mentale . Ils sont imbus du sentiment d’incarner le Bien , ce sentiment est nourri par une idolâtrie de l’Amérique , aggravée par le lavage de cerveau américain qui leur a inoculé le virus de l’anticommunisme primaire , manichéen et une diabolisation »

    Loin d’idolâtrer l’amérique sans réserves, le livre de marcelino montre au contraire que la présence des usa au vietnam fut questionnée par les sud vn eux mêmes.(pour référence,la page de son roman décrivant une discussion à ce sujet avec son père).

    Pour vous finalement les vietnamiens semblent incapables de penser par eux mêmes, ils sont soit victimes, soit manipulés par l’occident. Comme si la révolution ou la contre révolution ne pouvait être qu’une réaction à cet occident « impérialiste ». Vous croyez réellement que l’anti communisme n’est qu’une création étrangère dans l’esprit de fantoches abusés? Ne pensez vous pas que la guerre civile de 1945-1946 que vous avez évoqué n’y est peut être pas pour rien dans la fracture originelle entre vietnamiens? Que l’expérience vécue des conséquences du communisme du guerre, des purges et des réformes agraires ne donna pas toutes les raisons valables aux vietnamiens non marxistes de s’opposer au PCV? Et qu’à côté de l’anticommunisme les partis politiques sud vn n’étaient pas à même de formuler eux aussi une pensée politique et un projet national ?

    Et c’est par deni plus que par méconnaissance je le pense que vous négligez un fait capital : ce qui fait revêtir à cette guerre du vietnam un caractère fratricide c’est qu’elle s’avéra pour bcp de familles une guerre entre intimes. Et la famille de Marcelino ne fit pas exception, plusieurs de ses cousins, oncles devinrent des héros de la Révolution. Qu’avant de rejoindre le sud vn beaucoup de soldats de l’armée république du VN firent partie du Vietminh, dont les présidents Thieu et Khanh. Toutes ces trajectoires politiques et familiales montrent toute la complexité du conflit que vous balayez d’un revers de la main si manichéen. Communistes ou non communistes,ce qui fonde pour moi l’horreur de cette guerre et son absurdité c’est que ce sont les vietnamiens avant tout qui se sont entre-tués entre eux.

    Je me rappelle que nous avions eu des discussions plus constructives sur le sujet, à propos de Ngo Dinh Diem par ex, dont vous aviez concédé un certain crédit indépendantiste au fondateur de la République du VN.

    C’est parfaitement votre droit de préférer le discours révolutionnaire à d’autres récits mais ce qui est un peu dommage c’est qu’il semble que vous souhaitez revenir à l’histoire officielle dans ce qu’elle a de plus stérile, de si lisse que plus personne n’y croit vraiment aujourd’hui.

    • Vos réponses illustrent bien mon propos . Vous ressortez deux , trois arguments fables pour justifier votre acharnement irrationnel : les déchirements intra familiaux ont existé de tout temps dans les conflits sous n’importe quel motif ; ici au VN avec le clivage communistes / anticommunistes . Cela ne pèse pas bien lourd comparé à l’ensemble de la  » question vietnamienne  » dont vous éludez la profondeur historique ( je rappelle ; cela remonte à Rigault de Genouilly )
      Je n’ai jamais reconnu à Ngô dinh Diêm aucune légitimité . Mais je réserverais le débat sur la légitimité ou autres considérations morales à une autre fois .
      Ce que je veux faire ressortir aux anti communistes , c’est leur obstination autistique à nourrir leur amertume ; ils s’accrochent désespérément à leur principal argument , l’anticommunisme au lieu de réagir comme la majorité des gens , c’est à dire , parcourir les 5 étapes du deuil .
      Ils devraient essayer de se rendre à cette réalité en dehors de toute pseudo justification morale ou intellectuelle : ils ont été battus par plus forts qu’eux , tout simplement .
      Ils devraient prendre ses leçons de pragmatisme et de réalisme auprès , justement , des Américains ; chez eux , ils organisent à l’école des débats
      PRO et CONTRE . Ils prennent un sujet , ils divisent les enfants en deux camps et chaque camp ressort des arguments pour ou contre
      Puis on fait changer les enfants de camp : comme cela , ceux-ci apprennent l’objectivité , la lucidité et ainsi à ne pas se laisser abuser par la logique .
      Les anticommunistes devraient creuser les différents points que j’ai soulevés , les domaines où ils ont été surclassés par les communistes ::légitimité politique , organisation ,rigueur , discipline , motivation , esprit de sacrifice , endurance , avantage stratégique , adhésion populaire ( surtout auprès des paysans ) , sanctuaires etc…. et enfin accomplir leur travail de deuil

  3. Votre message n’est que la répétition du précédent au point qu’il en reprend des phrases entières, c’est ce qui s’appelle tourner en rond.Vous vous cramponnez à une approche psychanalytique et téléologique de l’histoire. A part étouffer la réflexion critique, ignorer les filiations, la généalogie des mouvements politiques mais aussi leurs ruptures et innovations par rapport à l’ordre ancien, où cela mène?
    Vous devriez appliquer votre méthode de débat à vos propos, et essayer d’appréhender les perspectives des deux camps, c’est une bonne piste.

    Je n’ai pas avancé que vous trouviez NDD légitime, cela mérite effectivement un débat. Seulement votre message du juillet 2014, montre que vous aviez compris que le dirigeant possédait lui aussi cette volonté de lutter pour l’indépendance de son pays. Une compréhension qu’HCM lui même avait du personnage puisqu’il avait proposé à NDD de rejoindre le gouvernement vietminh en 1945.

    « ung do says:JUL 23, 2014 Edit
    Votre dialectique est habile . En anglais , il y a l’expression ” guilt by associaition ” . Là , c’est l’innocence ( ici , l’esprit indépendantiste ) par analogie . Vous créez une analogie entre le parcours de Gandhi ou Ho chi Minh et Ngô dinh Kha² . C’est comme si vous disiez qu’au début de 1939 , Laval et de Gaulle étaient du même côté , ce qui fut vrai . Mais après , l’un fut collaborateur zélé et l’autre résistant .
    A part le fait de protester contre la destitution de Thành Thai , quels hauts faits de résistance a Kha² réalisés pour racheter ses “exploits ” ( comme Do huu Phuong ) au service de la conquête coloniale et son long parcours de “supplétif” de haut vol au service des colonialistes ( dont se targue son fils Thuc ) .[ Voilà les sources de mon affirmation que les Ngô sont des collabos de premier rang .]
    Du fait de son père , Diêm a été par les colonialistes nommé très jeune chef de province à Phan rang ou Phan Thiêt et à d’autres postes ; il a pourchassé avec zèle toute résistance , accusant tout réfractaire de ” communiste ” . Son unique acte de “résistance ” : il a été appelé comme ministre , il a démissionné avec fracas ; pour quel motif ? cela n’a pas été vraiment précisé . Je crois qu’il voulait un poste très élevé ou les pleinspouvoirs à la manière d’un Lee kwang Yew ,à Singapour ( plus tard ) .

    Son père et lui voulaient un Vietnam indépendant mais un Vietnam catholique , il était un nationaliste non pas vietnamien mais catholique . Les catholiques VN en avaient marre de jouer les supplétifs . Les colonialistes se sont fâchés , ils l’ont exilé

    Il a eu ce qu’il voulait , son VN catholique avec le soutien des Américains . il s’est alors attaqué à toutes les composantes de la société , il a emprisonné plus de nationalistes non communistes que de Viet minh . Il s’est mis à dos tout le monde sauf les catholiques ; on sait ce qui lui est arrivé

    Je voudrais aborder un point que vous avez évoqué : la popularité des communistes vietnamiens au Sud. C’est une question intéressante, des sources ont été publiées récemment et nous permettent d’obtenir une vision plus complexe que l’on pensait de la situation.
    Oui bien sûr, le vietminh/FNL fut un mouvement politique puissant au sud vn Le fait est que sa création ait été encadrée par Hanoi contrairement à son autonomie revendiquée publiquement, mais cela n’empêche pas que des millions de vietnamiens, pas forcément marxistes d’ailleurs ont soutenu l’insurrection communiste vietnamienne.

    La question est plutôt de mesurer l’étendue de cette adhésion populaire au PCV. Et Il y a des faits concrets qui permettent d’en mesurer maintenant les limites.

    Et notamment la question militaire peut éclairer sur ce point: comme vous le savez sûrement, le Nord vietnam fonda sa stratégie militaire sur des grandes offensives qui devaient en s’appuyant sur un soulèvement populaire permettre aux troupes de l’APV et du FNL de prendre en étau l’armée de la république du VN pour l’emporter.

    Le fait est que le soulèvement massif de la population sud vietnamienne contre l’administration de la RVN escompté par le politburo vietnamien pour chacune des grandes offensives nord vietnamiennes du Têt de 68 , de 1972 ou de 1975 n’eut jamais eu lieu. Cette réalité révèle une limite claire de la popularité des vietnamiens communistes au sud vietnam.

    Votre postulat d’une adhésion quasi unanime des sud vietnamiens au FNL est problématique dans la mesure où il est contraire à la réalité du champ bataille (y compris dans les campagnes) décrite par les nord vietnamiens eux mêmes.

    Dans un câble du 1er secrétaire Le Duan écrit le 13 août 1972 au moment où l’offensive de Pâques commencait à tourner au revers militaire pour l’Armée Populaire du Vietnam, le dirigeant de la RDV déplorait:

    « Bien que l’offensive militaire progresse bien, les masses ne se sont pas encore levées en nombre. Aujourd’hui la situation dans les campagnes diffère largement de celle prévalant lors de l’offensive du Têt… Après des années de pacification, l’objectif de l’ennemi est de subjuguer les masses et les forcer au service militaire…. Approximativement 70-80% des familles ont un membre conscrit [dans l’armée sud-vietnamienne]»

    C’est une évidence à laquelle les communistes vietnamiens durent amèrement se conformer, pour espérer prendre le sud ils ne devaient pas compter sur le soutien majoritaire de la population.

    • _ vous êtes reparti dans le débat entre les historiens orthodoxes ( anti- guerre ) et les révisionnistes ( ils veulent réhabiliter Diêm , VNCH et les Américains ; vous ressortez la longue liste , la litanie des vertus d’un côté et les crimes de l’autre , J’estime stérile pour nous deux d’entrer encore dans ce débat .

      Un peu de lecture : vous verrez que votre côté n’était pas si blanc que ça
      http://revuesocialisme.pagesperso-orange.fr/s1us.htm
      [À chaque fois que les sujets coloniaux des États-Unis se sont révoltés, l’État US les a noyés dans le sang. Mark Twain fait le commentaire suivant sur la guerre des Philippines :
       » Nous avons pacifié quelques milliers de ces insulaires et les avons enterrés ; nous avons détruit leurs champs, brûlé leurs villages et expulsé leurs veuves et leurs orphelins ; brisé, en les exilant, le cœur de quelques dizaines de patriotes particulièrement désagréables ; soumis la dizaine de millions d’autres par une assimilation bienveillante, qui n’est autre chose que l’appellation hypocrite du mousquet ; nous avons fait notre propriété des trois cents concubines et autres esclaves de notre partenaire en affaires, le sultan de Sulu, et avons déployé notre drapeau protecteur sur ce butin.
      Et ainsi, grâce à la Providence divine – et c’est l’expression du gouvernement, pas la mienne – nous sommes une puissance mondiale.  »
      Au cours de la guerre de 1900-1903 pour la conquête, les États-Unis ont tué plus d’un million de personnes. Le général d’armée Shefter déclara alors :  » Il sera peut-être nécessaire de tuer la moitié des Philippins pour que l’autre moitié de la population puisse être hissée à un mode de vie supérieur à l’actuel mode semi-barbare.  »
      Pourtant, les vrais barbares, ce sont les généraux et les politiciens qui dirigent la machine militaire américaine. Les USA sont jusqu’à présent la seule puissance à avoir utilisé l’arme de génocide qu’est la bombe atomique. Un autre exemple horrible de ce que la puissance US est capable de mettre en œuvre est fourni par la guerre du Vietnam au cours des années soixante. Avant qu’elle ne fût contrainte de se retirer en 1975, le pays vietnamien avait été saturé de frappes chimiques, et la guerre avait fait deux millions de morts vietnamiens et cambodgiens. ]

      Essayez de vous consoler en vous disant , vous avez été battus par plus perfides que les Américains
      Ca fait 40 ans , ne vous acharnez plus .On ne peut pas réécrire l’histoire
      Marcelino Truong a cité Boudha ; connaissez vous la notion boudhiste  » chân như  » ; c’est-à-dire , voir les choses comme elles sont , pas comme on voudrait qu’elles soient

  4. Voir les choses comme elles l’ont été, c’est la méthode de l’historien aussi. L’ouvrage de Marcelino Truong procède un peu de cette démarche. Bien que l’auteur revendique sa subjectivité, celle d’un partisan de la RVN il n’a été ni aveugle vis à vis des crimes de son propre camp, ni anti communiste primaire dans son roman graphique. Son livre, il a écrit aussi bien en écoutant son père fonctionnaire sud-vietnamien que son oncle qui a été membre de l’assemblée nationale du vietnam. Il a réfléchi son projet aussi bien sur les tombes de ses cousins enterrés au champ d’honneur révolutionnaire, que celle vandalisée du soldat inconnu sud-vietnamien. Il a choisi aussi de faire face sans détour à toute l’histoire y compris celle qui ne lui plaisait pas, de l’agent orange, de la torture ou du napalm. Seulement il s’est trouvé devant un abîme celui de l’oubli dans lequel a été plongé le passé de ce sud vietnam honni. Ce passé semble vous importuner mais il existe et il est quelque part sans doute un peu le vôtre, que vous le vouliez ou non il fait partie de l’histoire du vn. La raison d’être du livre de Marcelino c’est donc d’équilibrer la manière dont on raconte cette guerre du vietnam. Après avoir mûrement réfléchi vis à vis de ce qu’il a pu apprendre de l’histoire lors de sa démarche documentaire,c’est le parti pris du sud qu’il a choisi. On peut comprendre qu’on soit opposé à celui-ci mais malgré tout je pense qu’on peut trouver un intérêt à l’entendre. Car dans son récit il ne s’agit pas de lancer à la figure de l’autre la litanie des crimes de chacun mais d’essayer de comprendre ce drame de la guerre, d’aller vers l’humain au delà des querelles idéologiques et de raconter les choses qui fâchent sans le trouble qui les accompagne.

    Maintenant je ne sais pas pourquoi vous tenez tant à rapprocher l’histoire du vietnam des philippines, tellement les contextes sont différents : même si les méthodes américaines apparurent comme néocoloniales au vietnam, il n’a jamais été dans les plans des USA de faire de celui ci une colonie. Dans le jargon de la guerre froide, le vietnam ce n’était qu’une périphérie, un champ de bataille sans valeur intrinsèque à exploiter économiquement. En ce qui concerne des crimes de l’amérique, je ne les ai jamais nié, seulement je pense que dans notre débat ceux commis au vietnam suffisaient déjà à lancer la réflexion.

    Mais le texte que vous citez est propre des tenants de l’anti impérialisme , une des causes à mon avis du malheur qui s’est abattu sur le vietnam. C’est parce que les communistes vietnamiens ne sont pas contentés d’être seulement indépendantistes mais ont choisi sciemment de devenir anti impérialistes -c’est à dire d’inclure leur lutte nationale dans la grande révolution internationale -que les affres de la guerre froide se sont abattus sur le vietnam, décuplant le degré de violence et les enjeux des conflits indochinois. En ce qui concerne le premier conflit indochinois ce fut un cas unique dans les guerre de décolonisations, de mener une guerre d’indépendance de concert avec une guerre révolutionnaire, un aspect qui est totalement absent de votre discours. Finalement, même l’histoire du Nord vietnam a aussi ses angles morts. Pourtant la doctrine révolutionnaire, est un facteur explicatif puissant pour comprendre les institutions de la RDV, sa stratégie militaire, les enjeux sociaux, économiques et diplomatiques du conflit. Mais bon discuter de tout cela semble relever pour vous de l’anti communisme primaire…

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