Malgré la crainte de la répression de leur gouvernement, un groupe d’expatriés chinois a organisé le 3 juin, une commémoration discrète du souvenir de la tragédie.  

« Hommage aux morts de Tiananmen » peut-on lire sur une affiche improvisée scotchée sur un mur du Palais de Chaillot. Ils forment un modeste rassemblement d’à peine une dizaine de personnes, presque dissimulé dans un recoin du parvis du Trocadéro. En cette veille du jour du massacre, des citoyens chinois vivant en France ont tenu à commémorer le 31ème anniversaire de Tiananmen. Le 4 juin 1989, il y a plus de trois décennies, l’Armée Populaire de Libération de la Chine mettait un terme par la force au printemps de Pékin, un mouvement porté par toute la société chinoise qui réclamait des réformes pour la démocratie. La répression autour de la place Tiananmen, qui donna au massacre son nom, a peut-être fait jusqu’à 10000 victimes[1].

Rencontre avec Zhang[2], jeune étudiante chinoise, qui nous explique les raisons de sa présence à l’hommage et ses réflexions sur la place toujours plus réduite en Chine de la mémoire du Tiananmen.

Hommage au Trocadero, Paris

« Ce sont mes parents qui m’ont parlé du massacre, parce je leur avais posé des questions. Mais ils m’ont aussi expliqué que cela était dangereux à évoquer » répond Zhang, quand on lui demande comment elle a pris connaissance des événements. Adolescente, Zhang avait en outre réussi à trouver des informations sur Internet, en réussissant à contourner le « Great Firewall » qui bloque l’accès à de nombreux sites en Chine.

Elle mesure désormais l’importance de la censure de l’Etat. « Je n’étais pas étonnée d’apprendre que le gouvernement avait réprimé un mouvement demandant la démocratie, plus par la manière dont les autorités ont réussi à le supprimer des mémoires. » 31 ans après le massacre, le contrôle de l’information demeure plus sévère que jamais en Chine populaire, en particulier sur les réseaux sociaux. « Les messages sur Tiananmen sont quasi immédiatement effacés. Par exemple, il n’est pas possible poster une image de bougie le 4 juin en commémorant les événements. »

Source : Christina Scott, Deputy Head of Mission at the British Embassy Beijing

Tiananmen, une mémoire censurée et détournée

La mémoire du massacre n’est toutefois pas encore tout à fait évanouie en Chine. « Elle circule dans les conversations privées. Mais on ne sait pas ce que les gens en général pensent :  il n’y a pas d’espace public pour en parler ». Aussi significatif que la censure, Zhang évoque l’existence de discours pro-gouvernementaux en Chine sur Tiananmen : beaucoup présentent la répression comme nécessaire pour la stabilité du pays. La formidable expansion économique qui a suivi le 4 juin 1989 validerait pour eux le bien fondé de l’action du gouvernement. D’autres avancent l’hypothèse d’un complot de l’étranger, le plus souvent par la CIA, qui aurait piloté le mouvement.

Zhang constate aussi que la propagande sur Tiananmen ressemble par certains côtés à celle dirigée contre les manifestations à Hong Kong. « Mon père m’a dit que pour Hong Kong, l’argument de la violence de certains manifestants est utilisé pour discréditer tout le mouvement. Il s’est passé la même chose pour condamner l’ensemble de la contestation de Tiananmen ».

Mais même instrumentalisé à des fins politiques, le récit pro-gouvernemental du massacre subit lui aussi une censure en décalé. « Les propos qui vont dans le sens du gouvernement finissent aussi par être effacés. Mais ils restent en ligne plus longtemps ».

« Si on nous reconnaît, notre famille peut avoir des problèmes »

Bien que réduit, le rassemblement est significatif pour Zhang. « J’étais allée l’année dernière, place de la République pour la commémoration des 30 ans. C’était surtout des anciens, des Tibétains. Aujourd’hui, ce sont des jeunes Chinois qui sont présents, cela a encore plus de sens ». La peur est pourtant palpable durant le rassemblement. Les discussions se font à peine à haute voix et la méfiance est de mise contre les personnes extérieures au groupe. « Nous ne sommes pas une organisation ou une association c’est plus sécurisant. Et nous sommes masqués car si on nous reconnaît, immédiatement notre famille peut avoir des problèmes. ». « Sauf Wang » soupire Zhang en désignant un des manifestants. « Lui, il a le visage découvert parce qu’il a déjà été en prison ».

Ces risques ne l’ont pourtant pas dissuadée d’être présente à la commémoration, « pour la justice et pour la nostalgie d’une époque que nous n’avons pas vécue » où la Chine avait l’espoir de la démocratie.

1989 #China, A Pro-democracy Chinese citizen riding a bicycle to Tiananmen Square, he was interviewed by a BBC reporter –

« Going to march, Tiananmen Square! »

« Why? »

« Why? I think this is my duty!

This video brings tears to my eyes. I wish he survived

[1]https://www.bbc.com/news/world-asia-china-42465516

[2]Les prénoms ont été changés

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