A la découverte du cinéma vietnamien
Etat des lieux : Le cinéma vietnamien existe- t-il ?
Cette question peut paraître saugrenue, mais le constant est accablant : sous perfusion du gouvernement le 7ème art vietnamien est sclérosé.
Le succès de Tran anh hung ou de Dang nhat minh est l’arbre qui cache le désert.
Pris en étau entre les exigences idéologiques de l’Etat vietnamien et le manque de moyens, le cinéma national vietnamien a produit a peine 25 films par 2000 .Qui plus est, le cinéma national est complètement coupé de la population vietnamienne : le public s’est tourné depuis longtemps vers les productions étrangères hongkongaises et américaines, plébiscitant vcd, dvd plutôt que les salles obscures. Les seules productions vietnamiennes vraiment appréciées sont les mélodrames télévisuels à l’eau de rose. Les directives idéologiques du gouvernement ont pesé sur le 7ème art vietnamien, l’empêchant d’exploiter des thèmes différents que ceux imposé par la ligne politique.
Pourtant malgré toutes les contraintes qui le brident, une véritable spécificité du cinéma vietnamien semble exister.
Cinéma national Cinéma expatrié
Il existe deux type de films tournés au Vietnam : les productions subventionnées par l’Etat vietnamien et celles financées par l’étranger.
Sans le soutien de du gouvernement vietnamien, la production proprement nationale aurait sans doute disparu .Le corollaire de cette aide –insuffisante- est un contrôle étatique plus ou moins étroit. Le manque de moyens se ressent particulièrement dans les films issus de ce circuit de production.
L’autre circuit de production est celui qui est financé par des sociétés étrangères comme les productions Lazennec (Tran anh hung par exemple) et offre de meilleurs budgets. Certains cinéastes vietnamiens comme Ho Quang minh se sont expatrié afin d’acquérir plus d’autonomie vis-à-vis de l’Etat vietnamien.
Que trouve t-on dans le cinéma vietnamien ?
De la propagande à la critique sociale
_ Le documentaire : Le cinéma vietnamien débute avec le documentaire de propagande durant les différentes guerres qui ont ravagé le pays. Ainsi le cinéma vietnamien naît de la guerre, par l’objectif des cameramen de l’armée communiste filmé dans des conditions effroyables et donnant des documentaires très politisés de grande intensité comme on le voit dans gao rang.
Depuis les années 80 à nos jours le cinéma vietnamien suit les mutations de sa société :
_ La guerre est toujours un sujet bien traité mais aussi ses effets comme dans la fille du fleuve.
_ La morale : énoncée de façon plus ou moins pertinente, contre la perte des valeurs, les dangers de l’économie de marché (l’immeuble) et la corruption. Le cinéma vietnamien est ainsi est un vecteur d’idées du gouvernement pour faire face au désarroi du à l’ouverture économique. Ainsi Le cinéma vietnamien demeure très propagandiste, toujours sous la coupe de la censure mais devient plus engagé.
_Le cinéma de personnages : la production récente tend à décrire les relations humaines et devient plus proche du quotidien et des traditions vietnamiennes. (La saison des goyaves)
_ Le cinéma expatrié tend à explorer des thèmes similaires au cinéma national mais avec une vision différente. La critique sociale est plus choquante dans Cyclo , les effets de la guerre sont traités d’un point de vue plus proche de l’occident dans 3 saisons, Tran anh hung a imposé un style très personnel pour décrire le Vietnam de à la verticale de l’été.
Empreint de lutte sociale, héritier du film de propagande, le cinéma vietnamien semble emprunter de nouvelles voies prometteuses. Il possède un véritable caractère qui ne demande qu’à être affirmé.
Filmographie du cinéma vietnamien
Petite sélection de films pour un aperçu de tous les genres du cinéma vietnamien de ses origines avec le documentaire de guerre, à la production expatriée en passant par les films officiels.
Goa Rang (Riz Grillé)
Documentaire de Claude Grunspan (Belgique 2001)
Pour protéger la pellicule de l’humidité les opérateurs de l’armée nord vietnamienne prélevaient du riz sur leur maigre ration que l’on ne devait en aucun cas manger, même si on mourrait de faim.Ce film documentaire belge recueille témoignages de vétérans cameramen et films d’archives .
Les images et les récits des anciens cameramen sont d’une rare force et nous font connaître ce qui fut la genèse du cinéma vietnamien. Hélas ce patrimoine semble condamné à l’oubli comme les piles de pellicules qui pourrissent sur les étagères.
LA FILLE DU FLEUVE
(Co gao tren song) Film de Dang Nhat Minh (Viêt-nam, 1987)
Une ancienne prostituée raconte sa triste histoire à une journaliste .Pendant la guerre elle eut une liaison avec un partisan communiste .Celui-ci devenu haut fonctionnaire semble l’avoir oublié.
Un film touchant et une certaine recherche esthétique mais qui possède quelques longueurs. Des éléments à charge contre les autorités et l’expression des désillusions de la révolution. Réalisé par Dang Nhat Minh figure incontournable du cinéma vietnamien dont le dernier film est la saison des goyaves.
Les coupeurs de bois
Un film de Vuong Duc(Viêt-nam, 1996)
Buong voit brûler son restaurant, son subterfuge à été découvert : sa viande canine venait des chiens de ses voisins. Il décide alors de partir dans la jungle pour trafiquer du bois.
Cette satire caricaturale reflète la cupidité et les trafics résultant de l’ouverture économique. Un humour noir un peu naïf distillé sous le fond de l’ingéniosité et de la métaphore de la jungle tropicale aussi hostile que la vie réelle.
L’IMMEUBLE
Film de Viet Linh (Viêt-nam, 1999)
Un hôtel est réquisitionné pour loger les cadres du gouvernement. Tham ancien personnel de maison de l’hôtel est le gardien. Les problèmes de voisinages et les dégradations matérielles sont nombreux mais Tham s’acquiert de sa tâche avec professionnalisme et est respecté de tous. Mais l’hôtel devra être démoli.
L’immeuble dépeint la société vietnamienne en miniature et ses mutations.
La décrépitude de l’hôtel et de ses habitants est ainsi associée à la perte des valeurs révolutionnaires face à la montée de l’individualisme. Cependant comme souvent dans les films issus du circuit officiel, la critique perd un peu de sa force car trop politisée.
TROIS SAISONS
Film de Tony bui (USA-Viêt-nam 2000)
Histoires croisées de cinq personnages, de la prostituée au GI recherchant sa fille dans le Saigon d’aujourd’hui.
Ce film dresse un portrait à la fois très humain et touchant du Vietnam tiraillé entre modernité et son passé culturel ou historique. Un film qui veut réconcilier le Viêt-Nam et les USA, mettant en valeur une nouvelle image positive du pays qui parvient à exorciser son histoire. Premier long métrage de Tony Bui cinéaste américain d’origine vietnamienne mais aussi 1er film américain tourné au Vietnam depuis la fin de la guerre.
L’ Odeur de la papaye verte
Film de Tran Anh Hung (France 1992).
Dans le Vietnam des années 50, Mui, petite paysanne est engagé comme servante dans une famille aisée.
Réalisé par le plus connu des réalisateurs vietnamiens (expatrié) Tran Anh Hung, ce film est un vrai ravissement. Sensuel et doté d’une esthétique raffinée, ce film est aussi un portrait de la femme traditionnelle vietnamienne avec tous les côtés bons et mauvais de sa condition. A obtenu la caméra d’or et le prix de la meilleure première œuvre lors du festival de Cannes en 1993.
La Danse de la cigogne
(Vu khuc con co) film de Nguyen Phan Quang Binh et Jonathan Foo(Vietnam Singapore 2002).
L’histoire de cinq volontaires et de leurs différentes aventures pendant la guerre entre 1968 et 1975.
Ce film propose un contrechamp et donne un autre point de vue de la guerre
du Vietnam : voir le conflit du côté des forces communistes du nord vietnam. La guerre du Vietnam façon mélodrame avec plus de moyens qu’à l’ accoutumée. Ce film expose des témoignages émouvants de vétérans américains et vietminh, mais présente une histoire avec un grand H partiale, comme souvent avec les films avalisés par le gouvernement vietnamien. voir critique sur ce site
Et ensuite ?
Vous pouvez visionner les autres films de l’univers de Tran Anh Hung , un des auteurs les plus reconnu en Occident, avec notamment Cyclo. Les films issus de la production nationales sont assez difficiles à se procurer .On peut voir les autres films de Dang Nhat Minh auteur phare du cinéma vietnamien et en particulier la saison des goyaves, mais aussi d’autres films hélas non distribués en France comme Nostalgie à la Campagne (Thuong nho dong quê) qui reçu plusieurs récompenses à l’étranger. Viet Linh est un auteur très intéressant avec Le cirque itinérant (Ganh Xiec Rong) de même que Hô Quang Minh et son Karma .
Le 36e Festival international du film d’Amiens se tiendra
du 11 au 19 novembre 2016.
Au programme, des hommages d’envergure
internationale, des rétrospectives fouillées et inédites,
des compétitions d’un nouveau genre, des ateliers
professionnels, des avant-premières et un grand
nombre de surprises.
à signaler un hommage à DANG NHÂT MINH – Réalisateur, Vietnam – En sa présence