L’année 1979 fut l’une des plus sombres pour le corps diplomatique des Etats-Unis d’Amérique. Le public se rappelle l’attaque de l’ambassade américaine de Téhéran le 4 novembre 1979 et la crise des otages qui en découla jusqu’en 1981. On a oublié que le 14 janvier 1979 deux autres affaires ont frappé les ambassades américaines : une première attaque à Téhéran et une étrange affaire aux motivations étranges à Kaboul sur laquelle nous allons revenir.
Ce jour là, vers 9 heures de matin, Adolph Dubs en poste à Kaboul depuis 1978 quitte sa résidence pour gagner l’ambassade. A bord de sa chevrolet limousine il est arrêté aux abords du centre culturel américain par quatre hommes. Certains témoins affirment qu’ils portaient des uniformes de la police afghane, d’autre qu’un seul, une différence sur laquelle nous reviendrons. La voiture stoppe et quand le chauffeur baisse sa vitre il est menacé d’une arme. Les kidnappeurs le forcent à conduire l’ambassadeur dans un hôtel du centre ville de la capitale. Ce dernier est enfermé dans la chambre 117. Le chauffeur est lui libéré et renvoyé à l’ambassade des Etats-Unis tandis que les ravisseur contactent le jeune gouvernement démocratique (communiste) afghan pour obtenir la libération de prisonniers politiques dont Tahir Badakhshi et le poète. Wasef Bakthari. Mais élément étrange aucune demande n’est transmise aux Etats-Unis. Le gouvernement afghan et ses conseillers politiques soviétiques décident de ne pas négocier alors que Washington appelle à de la modération (ce qui lui permet à Téhéran d’obtenir la libération d’un de ses hommes enlevé à l’ambassade).
La police afghane secondée par des agents du KGB repère rapidement le lieu de détention et investit l’hôtel. En fin de matinée un coup de feu retentit. La police décide de prendre d’assaut la chambre et au bout d’une fusillade courte (une minute) prend le contrôle de la pièce. Mais l’attaque est un échec. Si deux des ravisseurs sont morts, l’ambassadeur Dubs est retrouvé assis sur une chaise une balle dans la tête. Un bilan lourd mais qui rappelle que dans les années 1970 la gestion des prises d’otage et des interventions finissent rarement bien : que ce soit lors de la prise d’otage de Münich de 1972 ou la prise d’otage de La Mecque, le nombre de victimes fut important du fait du manque d’expérience des forces d’intervention.
Pourtant les suites de cette intervention vont plonger l’affaire dans des eaux troubles. En effet deux des ravisseurs capturés vivants sont abattus quelque temps plus tard et leur corps livré en fin de journée aux autorités américaines. L’identification de ces preneurs d’otage prend du temps, beaucoup de temps : les autorités afghanes les relient à un groupe anti-pachtoune de gauche, des enquêteurs afghans affirment au contraire qu’ils sont liés au Parti Démocratique Populaire, une des factions du parti au pouvoir proche d’Hafizullah Amin, futur président après l’assassinant du président Taraki. L’autopsie du corps de l’ambassadeur indique que le coup de feu fatal a été tiré d’une distance de 20 cm, une distance d’exécution.. De plus l’enquête des américains a été entravée par les autorités afghanes. Afin de masquer une éventuelle bavure ? possible
Les conséquences de cette affaire sont importantes pour l’Afghanistan. Les Etats-Unis réévaluent à la baisse leur lien avec l’Afghanistan diminuant de moitié leur aide humanitaire et supprimant toute aide militaire. La présence diplomatique est à son tour réduite à sa plus simple expression. Ces conséquences ont conduit très tôt les experts envisager une autre hypothèse pour expliquer cette étonnante prise d’otage en impliquant le KGB. En provocant l’incident le service obtient un quasi départ des américains et un renforcement de la place russe. Trop gros pour être vrai ? pourtant en 1991 Vassili Mitrokhine, haut officier du KGB fait défection et rejoint les rang du MI6. Il va emporter avec lui 25 000 pages de documents secrets dont certaines éclairent les événements de Kaboul. En effet non seulement ils prouvent que le gouvernement afghan aiguillonné par les russes a refusé d’écouter les demandes américains de négocier. Mais surtout on apprend que les agents du KGB sur place ont recommandé l’exécution d’un des ravisseurs et qu’ils ont substitué le corps d’un prisonnier récemment tué à celui du 4è ravisseur qui a réchappé. Ces documents expliquent la mort des deux kidnappeurs capturés et le temps que mirent les afghans à montrer les corps. Alors opération sous fausse bannière menée par le KGB, manipulation d’un groupe afghan grâce à un agent infiltré ? les questions demeurent encore même si la main des services secrets russes est de plus en plus visible.