L’année 2014 commémore le soixantième anniversaire de la bataille de Dien Bien Phu qui prit fin le 7 mai 1954 avec la chute du camp retranché français sous les coups de butoir du Vietminh.
60 ans après la défaite française c’est un épisode peu connu de la bataille qui refait actuellement surface dans les médias : les Etats Unis ont-ils voulu pour porter assistance aux assiégés fournir la bombe A à la France ?
« Would you like two atomic bombs? » aurait proposé selon un article de la bbc (3) le secrétaire d’Etat américain John Foster Dulles au ministre des Affaires Etrangères George Bidault le 22 avril 1954. Alors que le sort de la garnison française assiégée à Dien Bien Phu par les forces du Vietminh devenait chaque jour plus précaire , Dulles aurait demandé à Bidault si l’usage d’armes atomiques aurait été de nature à changer le cours de la bataille. Si c’était le cas, le gouvernement américain se proposait de procurer pas moins de deux bombes A à la France. Ce que le ministre refusa considérant que l‘emploi direct des bombes auraient entraîné la destruction simultanée des forces Vietminh et françaises, tandis qu’un bombardement plus éloigné du site de la bataille sur les lignes logistiques de l’Armée Populaire du Vietnam aurait risqué de provoquer une intervention directe de la Chine Populaire.
L’offre de Dulles fait controverse mais il est probable qu’elle ait été issue d’un malentendu, le secrétaire d’Etat ne se rappelant pas d’avoir réalisé une quelconque proposition de la sorte. La fatigue de George Bidault pourrait avoir participé à une incompréhension durant les intenses échanges diplomatiques qui eurent lieu entre la France et les Etats Unis en avril 1954.
Pourtant s’il est relativement probable que Dulles n’ait pas proposé de façon explicite un transfert d’armes atomiques à la France, il apparaît pourtant que la possibilité d’une telle offre ne fut pas à écarter.
Selon Frederik Logevall,(1) certains stratégistes américains considérèrent bien l’usage de la bombe A au Vietnam :le plan Vulture , opération envisagée de bombardement par l’US Air Force en appui aux unités de l’union française eut depuis sa conception une dimension atomique selon certaines sources.
C’est ainsi qu’ un groupe d’étude du Pentagone examina en avril 1954 la possibilité d’utilisation d’armes atomiques à Dien Bien Phu et conclut que l’usage de 3 bombes A tactiques pourrait suffir à oblitérer l’effort vietminh. L’amiral Radford suggéra l’emploi de la bombe A le 7 avril au Conseil de Sécurité Nationale américain et la question fut de nouveau abordée lors du NSC planning board du 29 avril : certains participants argumentèrent que l’usage de la force atomique pourrait dissuader la Chine de riposter en cas d’escalade militaire conventionnelle, tandis que son absence d’emploi pourrait suggérer à Mao et son gouvernement que les Etats unis n’auraient pas la volonté de tirer avantage de leur puissance technologique.
De ces réunions il fut cependant établi que l’emploi de la bombe A n’aurait pas été en fait pas efficace sur le champ de bataille. Cependant l’éventualité d’un don d’armes à la France fut bien évoquée “we might consider saying to the French that we had never yet given them any ‘new weapons’ and if they wanted some now for possible use, we might give them a few.” indiquent certaines notes de réunion de l’époque .La possibilité de transfert d’armes atomiques aux membres de l’OTAN fut même explicitement mentionnée en conseil le 23 avril par Dulles lui-même qui définit à cette occasion leur doctrine d’emploi :selon une politique concertée la bombe pouvait être employée en cas nécessité face aux forces communistes lors d’une guerre générale ou locale. Sans avoir été explicitement mentionnée l’Indochine était bien alors dans tous les esprits.
Ainsi selon Frederik Logevall en avril 1954 :« the use of the bomb in the jungles of Tonkin in the spring of 1954 was, from the administration’s perspective, decidedly within the realm of possibility.”
Et ce sont peut être les implications morales de l’usage de l’arme atomique qui poussèrent Eisenhower à écarter définitivement l’idée de son emploi : « you boys must be crazy. We can’t use those awful things against Asian for the second time in ten years. My God”(2) se serait-il écrié face à ses conseillers. Le plan Vulture et moins encore l’utilisation de la bombe ne devaient jamais être mis en œuvre. Laissée à son sort la garnison de Dien Bien Phu finit par être réduite au terme de 57 jours et nuits de combats , prélude au terme de presque un siècle de présence française en Indochine.
sources
(1) Embers Of War: The Fall of an Empire and the Making of America’s Vietnam Fredrik Logevall
(2) The American Paradox: A History of the United States Since 1945 Par Steven M. Gillon
(3) Dien Bien Phu: Did the US offer France an A-bomb? BBC News 4 May 2014
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