Il est compliqué, pour ne pas dire impossible, d’argumenter un avis juste sur ce film venu du Laos. Écrasé par les principaux pourvoyeurs cinématographiques que sont le Japon, la Chine et la Corée du sud (et dans une moindre mesure la Thaïlande) du continent asiatique, peu d’auteurs voisins parviennent à se frayer un chemin jusque dans nos contrées. Et ce, d’autant plus que ce petit pays garde encore les stigmates du communisme hérité de son passé historique lié au marxisme-léninisme. Une gouvernance d’obédience soviétique installe Le Parti au centre de la vie politique, avec le Politburo et le Comité Central. Le peu d’informations qui en découle n’est certainement pas étranger à notre méconnaissance de cette partie du globe.
Partons donc du principe que le scénario qui voit un jeune héritier se faire séquestrer par un ravisseur aux motivations au départ incertaines est le prélude à une basique confrontation entre le prolétariat et la classe fortunée. S’ajoute à ce postulat de départ une ligne directrice assez tôt définie entre l’arrogance et le mépris de ce nouveau riche et le valeureux paysan incapable de trouver sa place dans la vie citadine, qui par dessus tout ne peut point s’exprimer à cause de sa surdité. La caractérisation un brin trop schématique des classes sociales ne plaide pas beaucoup en la faveur d’un long-métrage qui met du temps à vraiment éclaircir sa réelle intention. Car en fait de dénonciation d’un clivage classique, il entend surtout susciter l’apaisement d’un pays incapable de cohabitation intelligente.
Chacun pourrait avoir une lecture différente mais il semble bien que la confrontation brutale de deux mondes qui se côtoient sans se connaître soit la motivation première du réalisateur. Preuve en est qu’à travers plusieurs flashbacks éparpillés sans grande finesse, nous serons amenés à comprendre quel est leur vie respective et ce qui les obligent, par la force des choses, à reproduire une rivalité qui n’aurait pas lieu d’être si le temps était pris d’un meilleur engagement citoyen. Moraliste sans paraître moralisateur, l’intrigue regarde avec dureté mais aussi avec justesse l’évolution de leur relation s’affranchir petit à petit de la fatalité tout en oubliant jamais que ces personnages ont trop de rancœur ancré pour faire fi du passé. La rédemption de l’un fait écho à l’esprit de clairvoyance de l’autre, pour ainsi dire que nul n’est jamais aussi lisse qu’il ne parait.
Pas exempte d’une mièvrerie évitable, le fil narratif n’échappe pas aux sempiternels bons sentiments qui prévalent dans ce genre de production. Et sa mise en scène, tantôt astucieuse et mélancolique telle cette très belle séquence d’harmonie familiale sur fond de soleil couchant en clair obscur, est souvent rattrapée par un découpage clippesque inhérent à la représentation du milieu mafieux. Sans oublier des ralentis dramatisant plus que discutables. Mais le film à pour lui la sincérité de son propos et l’énergie de ses comédiens, qui s’ils paraissent plus filmées que dirigés, n’en demeurent pas moins convaincants.
Quoi dire d’autre, sinon que la découverte d’un cinéaste et de sa région est toujours intéressante pour qui s’intéresse à la nouveauté et qu’elle ne peut qu’aiguiser notre curiosité. Qu’il est heureux qu’un festival remplisse sa fonction de défrichage et puisse permettre à ces néos-artisans du cinéma d’exposer leur travail pour s’aguérir et revenir encore plus outillé pour la suite de leurs carrières. Qu’enfin les perspectives du cinéma mondial sont porteuses de biens des espoirs pour les cinéphiles que nous sommes.