Le 17 février 1979, la République Populaire de Chine lança une offensive sur la frontière nord de son ancien allié vietnamien. Cette offensive marqua le début d’un conflit longtemps passé sous un silence sans doute un peu gêné de la part de ses protagonistes: la guerre sino-vietnamienne appelée aussi Troisième Guerre d’Indochine.
Quelles en furent les origines?
De l’encerclement de la chine…
A la fin des années 70, la République Populaire de Chine se sent menacée. Pas par l’Amérique avec laquelle elle a noué une quasi alliance depuis 1972 et la rencontre entre les présidents Nixon et Mao, mais par ses alliés traditionnels du bloc communiste.
Pékin voit ainsi le spectre d’un encerclement se profiler : au nord par une URSS devenue hostile avec laquelle une rupture a été consommée pour des motifs idéologiques et territoriaux. Au sud, par le Vietnam communiste réunifié depuis 1975 qui a contracté une alliance justement avec l’ennemi soviétique. C’est à l’encontre du Vietnam que la chine entreprend d’agir militairement : car à la problématique sécuritaire posée par l’alliance vietnamo-soviétique s’ajoutent contre le Vietnam des prétentions territoriales issues de la tradition impériale chinoise datant d’avant la révolution communiste de 1949.
….à la tentation impériale
En effet, c’est dans ce contexte que dans les relations de la Chine avec son proche voisinage, s’est substitué à la logique de solidarité entre pays du bloc socialiste une perspective nationaliste, qu’on pourrait même qualifier de « tentation impériale » selon l’expression de François Joyaux : une constante dans la politique extérieure de Pékin est son ambition de rétablir l’influence chinoise sur tout territoire jadis soumis à la dépendance de l’empire de la dynastie Qing.
En premier lieu, la Chine populaire se met à contester les frontières et possessions maritimes vietnamiennes.
C’est ainsi que pour la domination de la mer de Chine méridionale (ou de l’Est comme la dénomme les Vietnamiens) qu’une première confrontation survient durant la guerre du Vietnam. Le 19/01/1974, le sud-Vietnam et la république populaire de chine en viennent à s’affronter militairement pour le contrôle des îles Paracels, appelée Hoàng Sa par les Vietnamiens et Xīshā par la Chine.
La marine chinoise parvient à s’emparer des Paracels au terme d’une bataille navale qui causa près de 70 morts et 16 blessés parmi la flotte sud vietnamienne et 18 morts du côté chinois. Après la chute de Saigon, le Vietnam communiste réunifié reprit à son compte les revendications sud-vietnamiennes sur cet archipel et le contentieux perdure jusqu’à ce jour.
En second lieu, pour la Chine l’Asie du sud-est constitue un pré carré traditionnel aux “marches de l’empire” qu’il convient absolument de contrôler et que le Vietnam menace par sa volonté d’imposer son hégémonie aux pays de la région, en particulier sur le Cambodge. Car la question cambodgienne au sein du conflit sino-vietnamien de 1979 s’inscrit plus largement dans la longue lutte historique qui opposa le Vietnam et la Chine pour le contrôle de ce pays, entre le ”Grand Hégémonisme” chinois qui vise le rétablissement de l’ordre mondial sino-centré traditionnel au “Petit Hégémonisme” vietnamien qui recherche l’établissement d’un Grand Vietnam dans la péninsule indochinoise.
Enfin, à la colère envers l’expansionnisme de son voisin se joignait aussi pour Pékin la volonté de punir l’ingratitude d’un allié qui s’était montré peu reconnaissant envers la République Populaire de Chine, en particulier par rapport au support important procuré durant les deux guerres d’Indochine : « Nous avons déployé plus de 100000 soldats et officiers lors de la guerre du Vietnam. Nous avons fourni 20 milliards de dollars en aide militaire et économique. Plus de 10000 de nos soldats ont été tués au combat, c’est un fait historique » déclara Hu Yao Bang secrétaire général du Parti lors d’une discussion avec Honnecker le dirigeant de l’Allemagne de l’est. (On estime désormais à 320000 le nombre de soldat de l’APL ayant combattu au Vietnam durant la guerre.)
Le Cambodge, enjeu au centre de la dispute sino-vietnamienne
C’est pour contrer l’expansion vietnamienne en Asie du sud-est, que Pékin se met d’abord à soutenir fermement le régime génocidaire des Khmers rouges, en lui procurant armes, soutien financier et conseillers militaires. Ensuite, la Chine encourage le régime de Polpot dans sa politique d’agression envers le Vietnam : les khmers rouges forts du soutien de Pékin lancent ainsi une série d’incursions en territoire vietnamien , chaque fois en commettant de nombreux massacres de civils.(cf When the Khmer Rouge came to kill in Vietnam ;New York Times) La tension avec la Chine monte aussi au nord du Vietnam on compte 1100 incidents frontaliers lors de l’année 1978.
En réponse à ces attaques, le Vietnam lance une contre-offensive éclair sur le Cambodge fin 1978 et en deux semaines les khmers rouges sont chassés de Phnom Penh. Commencera alors une longue et coûteuse campagne de pacification du Cambodge par l’APV où dans un rôle inversé par rapport à la guerre américaine, le Vietnam passera pour une puissance impérialiste et quasi colonisatrice de son voisin aux yeux du monde.
Pour la République Populaire de Chine, humiliée de voir son allié si facilement renversé c’en est trop. Deng Xiaoping déclare en des termes peu diplomatiques en janvier 1979 « Il est temps de botter le derrière du petit enfant indiscipliné. » Deng usera d’un vocabulaire encore plus dur envers le Vietnam lorsqu’il le surnommera devant un dirigeant étranger de wangbadan qui peut être traduit « oeuf de tortues » ou « fils de pute »! Il convient donc de donner une leçon à ce Vietnam si indiscipliné par le biais d’une offensive militaire limitée.
L’utilisation d’une terminologie punitive peut être surprenante au XXème siècle pour une diplomatie moderne telle que l’est celle de la République Populaire de Chine. Mais au regard de la l’histoire de la Chine pré-moderne et de ses relations avec son proche voisinage, une telle attitude révèle une certaine continuité avec la tradition impériale, du moins telle qu’elle fut perçue par les Vietnamiens. Selon le discours historique vietnamien, au temps de la Chine dynastique, les souverains impériaux chinois avaient pour coutume de punir par des expéditions militaires le Vietnam lorsque ce dernier devenait récalcitrant au pouvoir de l’empire du Milieu.
Le roman national vietnamien avance que dans la longue série des quinze invasions étrangères qui ravageront le pays, près de 11 seront initiées par la Chine impériale. Les relations entre la Chine et le Vietnam durant l’histoire furent marqués par un rapport de vassalité ambigu dans le cadre d’une d’une relation asymétrique: si le Vietnam fut un état tributaire et la Chine son référent civilisationnel, ses dirigeants essayeront d’établir des rapports les plus équilibrés possibles avec l’empire du Milieu, refusant par exemple de soumettre au protocole du Kowtow lors de la remise des tributs. Il s’agissait pour les Vietnamiens de gérer la relation de vassalité à l’empire du Milieu, en garantissant l’indépendance de fait du pays tout en évitant l’affrontement frontal avec le grand voisin du Nord. Quand cet équilibre était rompu, les deux parties devaient se résoudre au conflit armé et la guerre de 1979 peut se comprendre dans ce sens.
L’offensive de 1979
L’objectif stratégique de Pékin est de soulager ce qui reste de l’armée des Khmers rouges, en forçant le Vietnam à retirer ses troupes du Cambodge pour les diriger vers sa frontière du nord, attirant ainsi les soldats Vietnamiens dans le « hachoir » que prépare l’APL.
Cependant, si le but de l’offensive chinoise est bien de venir en aide à l’allié cambodgien, Pékin affichera un tout autre prétexte pour justifier son attaque : le casus belli chinois de cette guerre ,c’est le mauvais traitement fait par le Vietnam à sa minorité d’origine chinoise. Si en effet, la fin des années 70 voit l’exode des boat people s’amplifier et toucher particulièrement les Chinois du Vietnam, l’argument apporté par la chine est sans doute teinté d’un certain cynisme : loin d’être le garant de la sécurité des communautés chinoises d’outre-mer, Pékin n’avait pas empêché l’extermination par ses alliés Khmers rouges de plus de la moitié de la population de la minorité chinoise cambodgienne et ce malgré la présence d’environ 10000 conseillers de l’Armée Populaire de Libération (APL) de la Chine sur place.
Les forces en présences : Employer le couteau du boucher pour tuer le poulet
Le nombre de soldats engagés sur le terrain par la République Populaire de Chine et la République Socialiste du Vietnam est proportionnel à la taille de la population de ces pays, reflétant l’énorme disparité des moyens démographiques à disposition des belligérants. En 1979, l’Armée Populaire du Vietnam (APV) organise la défense de la frontière nord du pays avec une quinzaine de régiment de combat, soit environ 50000 hommes complétés d’un nombre important de miliciens.
L’APL quant à elle mobilise près d’une centaine de régiments totalisant environ 450000 hommes. Sur les champs de bataille de cette guerre, le ratio entre les deux armées est généralement d’au moins 6 combattants chinois pour 1 vietnamien. Dans certaines zones de combat comme celle de Lang Son, la balance des forces dépasse même les 10 contre 1 en faveur de la Chine. Les forces aériennes sont aussi préparées à être engagées si nécessaires et comptabilisent 18 régiments aériens plus 6 groupes de combat en appui aux troupes au sol. (pour éviter l’escalade leur emploi sera confiné au territoire chinois). Une telle accumulation de moyens est conforme à la doctrine chinoise du niudao shaji (qui signifie prosaïquement utiliser un couteau de boucher pour tuer un poulet).
Selon la tradition opérationnelle de l’APL il s’agit d’ assurer la victoire en concentrant des moyens militaires d’un supériorité absolue contre l’ennemi qui devront être engagés selon trois principes :
- viser les points vitaux de la défense de l’ennemi en évitant les points forts;
- employer une force et une puissance de feu écrasante pour réduire les défenses ennemies aux points d’engagement;
- attaquer le plus rapidement possible en profondeur dans le dispositif pour atteindre l’ennemi au coeur;
L’effet recherché étant de pouvoir couper en pièces la défense de l’adversaire, briser sa résistance avec pour résultat d’annihiler les forces vitales de l’ennemi (yousheng liliang).
Enfin, la supériorité de l’APL sur L’APV n’est pas seulement que numérique. Elle se traduit aussi par un différentiel important dans l’équipement dont ont été dotés les soldats de ces deux armées : un bataillon vietnamien n’est en effet équipé que de 60% du nombre de fusil AK-47 attribué à un bataillon chinois. A formation égale, la puissance de feu d’un bataillon vietnamien dépasse à peine la moitié de celle produite par leurs homologues de l’APL.
Cependant qualitativement, l’arsenal vietnamien reste technologiquement comparable à celui des forces chinoises, le Vietnam ayant bénéficié de livraisons importantes de matériel de la part de l’URSS. Très inférieurs en nombre et même quantitativement en armes face à la Chine, les Vietnamiens sauront pourtant pallier ces déficiences par leur connaissance du terrain et la pertinence de leurs tactiques employées sur celui-ci.
L’attaque chinoise
Le 17 février 1979, l’APL déclenche les hostilités. Dans la première phase de l’attaque deux offensives sont montées contre Cao Bang et Lao Cai afin d’encercler puis détruire deux divisions vietnamiennes tout en lançant une attaque simultanée contre Dong Dang afin de tromper Hanoï sur les objectifs véritables de Pékin. Ensuite les forces du Guanxi devront attaquer Lang son tandis que les camarades du Yunnan essayeront d’engager une division vietnamienne dans la région de Sapa.
L’attaque lancée sur un front près de 900 km surprend les Vietnamiens qui ne pensaient pas qu’un « pays frère socialiste » pouvaient les attaquer. Par ailleurs la multiplicité des attaques sur une zone aussi étendue empêche le haut commandement militaire vietnamien d’identifier les axes principaux de l’offensive. Appuyés par 400 chars Type 59 et des tirs de barrage massifs d’artillerie, les soldats chinois franchissent la frontière en nombre. C’est une véritable vague humaine qui voit un flot ininterrompu de fantassins à pied se précipiter totalement à découvert vers les positions vietnamiennes à la stupéfaction de leurs défenseurs .
Les soldats vietnamiens occupant la colline 386 dans le secteur de Lang Son en ont fait le récit: « Ils étaient surpris de voir surgirent les troupes ennemies vers leurs positions rang après rang comme une nuée de fourmis […], comme une inondation massive criant « dǎ, dǎ » alors qu’ils couraient. Le son de clairons et de sirènes accompagnait la charge. »
Malgré leur caractère spectaculaire, les vagues de fantassins ne rencontrent que peu de succès. Car en prévision de l’offensive chinoise, les Vietnamiens ont soigneusement préparé leurs défenses et les assauts ennemis viennent se briser sur un formidable réseau de fortifications: rien que dans le secteur de Lang Son ont été construites près de « 20000 fortifications incluant 60 kilomètres de tranchées défensives. Camouflages, champs de mine et une variété d’obstacles ingénieusement placés rendaient les fortifications encore plus formidables » explique Edward C.O’Dowd.
La description des combats se déroulant à Quang Ninh illustre l’efficacité de la défense vietnamienne qui parvient à tenir ses positions avec un nombre pourtant très réduit de soldats malgré la démesure des forces chinoises employées :
Dans le secteur de Quang Ninh, la montagne Cao Ba Lanh est défendue par une seule section de soldats de l’APV(soit environ une douzaine d’homme). Elle réussit d’abord à repousser l’attaque de deux sections chinoises, puis d’une compagnie entière(plus d’une centaine d’hommes).Le jour suivant c’est près deux bataillons qui se lancent à l’assaut et qui sont également défaits. Ce n’est qu’en engageant un régiment entier (2800 hommes) précédé d’un barrage d’artillerie que l’APL parvient à capturer la montagne au bout de 5 heures de combat et au prix de la perte de 360 hommes.
Les soldats de l’APL sont particulièrement surpris par l’enlisement de leur l’offensive : « cette guerre était incroyablement sanglante et sauvage… nous n’avions jamais pensé que cela aurait été ainsi. Nous étions vraiment révoltés par les coûts énormes de la victoire. Nous croyions, nous croyions vraiment, que si nous appliquions la force entière de l’Armée Populaire de la Libération, les Vietnamiens seraient broyés en quelques heures et nous serions dans Hanoi et Haiphong en un jour ou deux » explique un vétéran de l’APL.
De fait, loin d’être annihilées en quelques heures comme l’espérait les généraux de l’APL, les forces vietnamiennes s’opposent avec détermination à la vague chinoise et l’avancée des troupes de Deng Xiaoping est extrêmement lente:
Dans leur offensive pour la capture de Lao Cai , objectif situé pourtant à deux kilomètres à peine de la frontière chinoise, deux armées chinoises ne progressent que d’un kilomètre en 5 jours face à l’obstruction d’une simple division vietnamienne.
Pour la prise de Cao bang, à une vingtaine de kilomètres de la frontière, il faudra aux 41 ème et 42ème armée (soit environ 80000 hommes) de la région militaire de Guangzhou avec l’appui de plusieurs éléments d’autres armées, près de 10 jours pour déloger la seule 346ème division vietnamienne qui par ailleurs continuera à combattre derrière les lignes ennemies.
A Lang Son, un unique régiment tient tête également à près de deux armées chinoises pendant une semaine. Un rapport de la 3ème division vietnamienne témoigne de l’âpreté des combats : « Chaque jour, [l’Armée Populaire de la Libération] lance de sept à dix assauts séparés, quelquefois utilisant presque une division entière pour attaquer des positions tenues par moins de deux bataillons de nos troupes… Quand nous écrasions un de leurs régiments, ils envoyaient simplement un nouveau pour prendre sa place. »
En parallèle d’une défense frontale appuyée par un réseau de tranchées et d’abris fortifiés, les troupes de l’APV mènent également des actions de guérilla qui rendent périlleuse toute progression sur le sol vietnamien : « les Vietnamiens ont posé des mines, des bambous empoisonnés et tranchants ainsi que des pièges dans tous les endroits concevables » raconte un officier chinois.
En réaction à ce harcèlement continu, peu de prisonniers sont faits par les soldats chinois. Le même officier explique ainsi que ses hommes « perdirent l’intérêt de prendre des prisonniers. Ils commencèrent à abattre tout le monde. » Les Vietnamiens n’en furent pas en reste : « bien sûr les Vietnamiens firent la même chose aux soldats de l’APL. » Lorsque que vint le temps d’échanger les prisonniers « pas beaucoup se montrèrent ». Les deux camps avaient usé des mêmes moyens expéditifs envers leurs captifs: Vietnamiens comme Chinois « les avaient tous exécutés » constata l’officier.
La frustration éprouvée par les soldats chinois face à l’importance de leurs pertes, amena certaines unités de l’APL à se compromettre dans les crimes de guerre les plus brutaux: « Dans les souvenirs d’un autre soldat, une unité près de Lang Son qui avait perdu près de 7 tanks T-59 du à l’action d’un seul sniper [une jeune soldate de l’APV] était si frustrée que quand elle attrapa leur assaillant, les soldats réagirent d’une manière particulièrement brutale. Le commandant de l’unité de tank ordonna que la soldate soit déshabillée, attachée et jetée sur la route. Il avança le tank d’avant en arrière sur la jeune femme jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien d’elle et qu’elle soit dans le sol même. Les soldats étaient si en colère qu’ils applaudirent. »
Cette violence de la soldatesque chinoise se déchaîna aussi contre la population civile vietnamienne : un livre blanc du gouvernement vietnamien de 1979 déclare que les soldats de l’Armée Populaire de la Libération « massacrèrent des civils incluant des femmes, des nouveaux nés et des personnes âgées, détruisant villages, pagodes, églises et écoles… ils tuèrent, pillèrent et brûlèrent avec la sauvagerie des hordes médiévales combinées aux méthodes sophistiquées des armées impérialistes modernes ».
C’est ainsi que dans le hameau de Tong Chup dans la commune de Hung Dao, région de Cao Bang, les soldats de l’APL se seraient rendus coupables d’un massacre de 43 civils, pour la plupart des femmes et des enfants. Ce massacre aurait été perpétré en représailles d’une attaque à la grenade faite par un villageois. Celle-ci aurait entraîné la mort de plusieurs soldats chinois déclenchant une réponse particulièrement brutale de leurs camarades. » 37 des victimes moururent de blessures commis par des objets tranchants à la tête, le reste [ a subi ] des blessures au couteau ou des éventrements. Il y avait 24 femmes et 19 enfants[…], le plus jeune seulement 8 mois[…]. Nous avons aussi trouvé sept femmes enceintes. To Thi Yen, 36 ans portait 4 blessures au couteau à l’estomac. Sa poitrine avait été découpée, ses parties génitales tranchées. (Chinese war crimes in Vietnam)
Mme Hien, une civile fuyant les combats, se souvient que lorsqu’elle essaya de chercher un abri dans une caverne, elle y trouva que plusieurs centaines de personnes y avaient été tuées . « J’ai vu une femme avec ses jambes coupées allongée sur le sol. Vous pouviez voir dans ses yeux qu’elle était encore vivante et réclamait de l’aide, mais il n’y avait rien que nous puissions faire. Je ne l’oublierai jamais. » On estime à 10000 le nombre de civils qui ont péri dans les combats de la campagne de 1979.
Face à l’échec de ses assauts frontaux, l’APL change de tactique et divise ses troupes pour les organiser en bataillons et compagnies de chasse . Il s’agit de mener de difficiles opérations de search and destroy pour réduire les Vietnamiens: il faut se battre pour chaque colline , détruire méthodiquement tout tunnel ou ouvrages défensifs retranchés. Peu à peu les forces de l’APL parviennent avec difficultés à pénétrer de 15 à 20 km en territoire vietnamien.
Le 5 mars, Lang Son tombe aux mains des Chinois. En réalité, les défenseurs vietnamiens se sont retirés au sud de la ville pour renforcer la défense de Hanoï et les troupes chinoises se retrouvent même encerclées dans Lang Son puis durement frappées par le feu ennemi. Mais l’objectif symbolique de la « prise » de Lang Son est rempli sur le papier et permet à Pékin d’affirmer que la route vers la capitale du Vietnam est ouverte.Les troupes chinoises quittent alors le Vietnam en mettant en oeuvre une politique de la terre brûlée, détruisant les infrastructures vietnamiennes au fur et à mesure de leur retrait.
Edward O’Dowd rapporte le témoignage de soldats de l’APL sur ces exactions: « Avant que les Chinois se retirent de Lang son […] ils ordonnèrent […] de détruire la ville. » Les soldats de l’APL étaient appréciatifs : « nous retirions une grande joie de cela- c’était notre vengeance [….] un baiser d’adieu pour les Vietnamiens quelque chose qu’ils pouvaient voir et dont ils se souviendront toujours de nous. La même chose se passa dans les autres villes. Nous ne le regrettons pas même maintenant. Pas le moins du monde ».
Et de fait la décision chinoise de détruire Lang son laissa une impression profonde sur les Vietnamiens comme le jeune lycéen Luong Van Lang : « Mon cœur était plein de haine, toute la ville avait été détruite, tout était en ruine » dit-il. Deux ans après le départ des Chinois, il fut sélectionné pour être entraîné comme sniper dans la milice de défense locale levée pour contrer les attaques éclair chinoises qui continuèrent tout au long des années 80.
« Je me levais à 2 heures du matin positionné sur une crête en hauteur et je pouvais voir les Chinois creuser des tunnels » dit-il. « Leur colline était plus basse que la nôtre et de temps en temps ils essayaient de monter. Nous attendions ce moment et quand ils se déplaçaient nous leurs tirions dessus. » Luong Van lang affirme avec fierté qu’il a tué six soldats chinois en dix jours, fait d’armes pour lequel il a été décoré.
Si les deux belligérants proclamèrent leur victoire, il apparaît que la République Populaire de Chine ait bien perdu cette guerre sur le plan militaire: selon Edward C. O’Dowd, les objectifs stratégiques chinois ne furent jamais atteints. Il n’eût pas de retrait significatif de soldats vietnamiens du Cambodge et Hanoï n’eut pas même pas à engager ses troupes de réserve pour contrer l’attaque chinoise. (Si les soviétiques recommandèrent bien le déplacement héliporté de 30000 hommes du Cambodge pour renforcer la défense du Nord Vietnam, ce conseil ne fut pas appliqué l’APL prenant rapidement l’initiative du retrait).
D’un point vue strictement opérationnel,l’offensive chinoise fut extrêmement mal exécutée par l’APL en témoigne l’importance des pertes en matériels et en hommes : l’Armée Populaire de Libération de la Chine perdit entre 21000 et 63000 tués et blessés et près de 400 blindés. Le corps des officiers chinois fut particulièrement touché. Ainsi par exemple, Le 375ème régiment de la 42 ème armée de Guangzhou dut remplacer près de 82% de ses cadres en quinze jours de combat . Les Vietnamiens eux comptabilisèrent entre 30000 et 57000 tués et blessés.
L’agence d’information vietnamienne a fait l’inventaire suivant des pertes vietnamiennes : « Plus de 30.000 cadres et soldats sont tombés ou ont été blessés, des dizaines de milliers de civils ont trouvé la mort. Les chefs-lieux de Cao Bang, Lang Son, Cam Duong et Lao Cai ont été presque détruits. Environ 320 communes, 735 écoles, 41 exploitations agricoles, 81 usines, mines et 38 zones d’exploitation forestière, ont été ravagées ; 400.000 têtes de bétail ont été tuées, volées. La moitié des 3,5 millions de personnes dans six provinces frontalières ont perdu leurs maisons, leurs propriétés et leurs moyens de subsistance. »
Pour Edward O’Dowd, le diagnostic que l’on peut faire de l’action opérationnelle de l’APL durant la guerre sino-vietnamienne est sans appel- même si individuellement les soldats chinois firent souvent preuve de ténacité et de courage- : L’Armée Populaire de la Libération échoua à mener une campagne efficace et efficiente. Elle fut inefficace car ses tactiques ne se traduisirent pas par une avance rapide, et elle fut inefficiente parce qu’elle perdit un nombre élevé de troupes pour obtenir de petits gains ».
La leçon donnée par la Chine populaire n’eût donc pas les effets escomptés: « Plutôt qu’apprendre à Hanoï qu’elle avait fauté en envahissant le Cambodge, l’infortunée invasion chinoise de 1979 apprit au Vietnam seulement que la Chine était faible ». explique Edward O’Dowd.
Par ailleurs, le conflit sino-vietnamien ne prît pas fin à l’arrêt des hostilités de 1979: la République Populaire de Chine continua à pratiquer une stratégie qu’a qualifié Edward C. O’Dowd de « politique de l’artillerie » en engageant le Vietnam dans des escarmouches frontalières meurtrières tout au long des années 80 mais avec le même insuccès que celui rencontré lors de la guerre de 1979.
Ci-dessus the Last Warrior 2, court-métrage chinois sur la bataille de Laoshan
L’incident le plus important de cette période eut lieu à Laoshan en 1984, et ne fut pas loin de dégénérer de en « seconde leçon » de la Chine au Vietnam. La bataille de Laoshan mobilisa plusieurs divisions des deux côtés. Cette bataille fut aussi brève que sanglante mais l’APL ne put pénétrer que de 5 km en territoire vietnamien. Dans les affrontements frontaliers de 1985 à 1989, l’APL revendique avoir infligé près de 33500 pertes aux Vietnamiens, perdant de son côté 4100 soldats de l’APL.
Comment expliquer une telle contre performance de l’APL, armée qui s’était jusqu’alors distinguée par ses remarquables prouesses notamment lors de la guerre civile chinoise contre l’armée de Tchang Kaï-chek, lors de la guerre de Corée où elle expulsa de Corée du Nord en un mois les forces des Nations Unies et enfin pendant la guerre sino indienne de 1962 où en deux mois d’offensive elle sortit victorieuse d’un conflit frontalier dans l’Himalaya? Par le bouleversement que fut la Révolution Culturelle pour la Chine et qui n’épargna pas les forces armées.
A cette époque, il fut décrété que l’idéologie du maoïsme devait primer sur l’instruction militaire. En conséquence, le professionnalisme qui caractérisait jusqu’alors les forces armées chinoise déclina au profit du travail politique. Cependant l’idéologie fut de piètre utilité quand l’APL fut confrontée aux dures réalités de la troisième guerre d’Indochine. Victime d’une terrible régression d’un point de vue tactique et opérationnel, l’APL ne sut lancer ses soldats que dans des offensives de masses dénuées de toute intelligence de manœuvre ,les vagues humaines, avec le peu de succès que l’on sait.
Victoire sur le champ de bataille, défaite stratégique ?
Une réévaluation de la métrique des résultats de la 3ème guerre Indochine a été réalisée par certains auteurs comme Xiaoming Zhang. Selon cet historien c’est à l’aune des gains géopolitiques récoltés par la RPC qu’il convient de juger ce conflit, plutôt qu’en fonction de la prestation plus que contestable des armées chinoises sur le champ de bataille.
En avril 1979 Hua Guofeng premier ministre de la RPC résuma les résultats de l’offensive de 1979 en une saillie sarcastique envers le rôle de l’union soviétique dans cette guerre : « ils n’osèrent pas bouger. Alors après tout nous pouvions toujours toucher le derrière du tigre ».
En effet sur un plan diplomatique , l’absence de réaction soviétique dans cette guerre révéla la faiblesse de l’alliance russo-vietnamienne. L’URSS ne voulait pas ou ne pouvait pas risquer d’entrer en guerre pour soutenir son allié et ce fut une amère déception pour le Vietnam, le spectre d’une guerre sur deux fronts simultanés russes et vietnamien ne devait jamais se réaliser. Au contraire, la guerre punitive de Pékin permit à la RPC de renforcer sa crédibilité dans sa relation avec les Etats Unis : Washington savait qu’il pourrait désormais compter sur la Chine pour contrebalancer l’Union Soviétique. Cependant il est à noter que Carter déconseilla pourtant formellement à Deng Xiaoping toute action militaire contre le Vietnam qui pourrait diminuer le crédit pacifiste de la Chine populaire .
Ci-dessus, lettre du président américain Jimmy Carter à son homologue chinois Deng Xiaoping.
Sur un plan militaire, l’attaque de 1979 fut le début d’une guerre d’attrition qui permit de saigner à la longue le Vietnam. En effet pour protéger sa frontière nord, Hanoï dut mobiliser un nombre considérable de troupes, pour un coût social et économique exorbitant. C’est en ce sens que Pékin voulait faire payer au Vietnam sa politique d’expansion au Cambodge. Car la Chine n’espérait pas un retrait immédiat de l’APV de ce pays suite à l’offensive même si ce retrait constituait son objectif à long terme.
C’est sur la base de ces succès que selon Zhang, l’APL qualifia le résultat de cette guerre de victoire : « Profondément influencé par les enseignements de Mao que la guerre est fondamentalement une entreprise politique. Tant que la Chine pouvait proclamer qu’elle était fructueuse dans la réalisation de ses objectifs militaires et stratégiques, l’APL pouvait considérer que le problème résultat de ses échecs tactiques étaient secondaires ». Qu’importe les pertes subies sur le champ bataille, Deng Xiaoping était prêt à payer le prix du sang de ses compatriotes pour atteindre ses objectifs stratégiques.
Pourtant si ces succès engrangés par Pékin furent conséquents sont ils pour autant suffisants pour statuer la victoire de la RPC comme l’avance Zhang? On pourrait opposer aussi sur un plan géopolitique que l’attaque chinoise ne put briser l’alliance vietnamo-soviétique –au contraire, Hanoi chercha à renforcer encore plus sa dépendance envers Moscou- et que les instruments de coercition de Pekin ne fut jamais assez dissuasifs pour contraindre le Vietnam à un retrait total du Cambodge .
Norodom Sihanouk , roi du Cambodge déclara à ce sujet en 1980 dans une interview au Monde :
« Ni la famine ni la faillite économique ni les « leçons chinoises » ne contraindront, dit-il, les Vietnamiens à quitter le Cambodge car, selon son expérience, les Vietnamiens n’ont pas l’habitude de céder à ceux qui les insultent ou qui les frappent. La seule chance de les « fléchir » est de leur parler le langage de la fraternité et de la courtoisie. »
De fait, le Vietnam ne devait quitter le Cambodge qu’en 1989 soit 9 ans après l’interview de Sihanouk .
Enfin, il semble que l’opération militaire de Pékin eut aussi un impact négatif sur les relations avec les autres pays de l’asie du sud-est. Si en 1979 les pays de l’ASEAN regardaient d’un mauvais oeil l’expansionnisme vietnamien , ils se sentirent finalement tout aussi mal à l’aise -Thailande exceptée- face à l’intervention armée de l’APL.
Conclusion
En conclusion ,si la guerre sino vietnamienne s’est terminée à la faveur d’un retrait de l’APV du Cambodge en 1989, ce ne fut sans doute pas le résultat de la stratégie militaire que portait la Chine envers le Vietnam.
En effet, en premier lieu ce sont plutôt les changements profonds dans le contexte géopolitique de la fin des années 80, à savoir la disparition de l’URSS et donc de l’aide financière apportée par Moscou qui amenèrent le Vietnam à reconsidérer sa présence chez son voisin Khmer. Sans le patronage du grand frère soviétique et quasiment ruiné économiquement, le Vietnam se devait de sortir au plus vite de l’isolement diplomatique dans lequel il avait été plongé par la RPC. La diplomatie chinoise s’avéra un moyen de coercition plus persuasif que l’action de l’APL sur les champs de bataille du Vietnam.
Car en second lieu ce sont ensuite les succès militaires engrangés au Cambodge par l’APV qui rendirent sans objet la continuité d’une occupation armée du Vietnam de son voisin. En effet,à la fin des années 80 la guérilla des khmers rouges alliée de Pékin fut définitivement mise en déroute par les armées vietnamiennes.
Ce n’est donc pas la contrainte militaire chinoise qui a mené le Vietnam à sortir du Cambodge : le retrait des troupes de L’APV a été effectué une fois la menace khmère rouge supprimée, en laissant au Cambodge un régime acquis aux intérêts vietnamiens.
Pourtant, si la mauvaise performance militaire chinoise semble avérée, les gains considérables recueillis par Pekin sur les plans diplomatiques et stratégiques pourraient indiquer que durant le conflit sino-vietnamien, il n’eût finalement pas de vainqueur ou vaincu clair. Cette situation pénalisante pour les deux parties poussera finalement le Vietnam et la Chine au compromis : l’année 1991 vit le plein rétablissement des relations diplomatiques entre les deux pays.
Il est cependant à noter que l’apaisement entre les belligérants fut aussi dicté par un facteur idéologique. Face notamment au soulèvement démocratique de Tiananmen et devant l’effondrement du bloc de l’Est, sauver ce qui restait du camp communiste contre la menace d’un changement de régime devint un impératif et une réconciliation au nom de la solidarité entre pays socialistes fut décidée par Hanoï. (Deng Xiaoping’s Long War :The 1990 Chengdu Meeting Zhang, Xiaoming) Un tournant qui divisa cependant la direction politique vietnamienne, le ministre des affaires étrangères Nguyen Co Thach qualifiant le nouveau rapprochement comme « le début d’une dangereuse et nouvelle ère de domination du Nord. « ( Vietnam : L’éphémère et l’insubmersible: L’Âme des Peuples JC Pomonti)
Cependant malgré l’établissement de bons rapports de voisinage tout au long des années 90 et 2000 entre les gouvernements du Vietnam et de la Chine, des contentieux tendent à réapparaître notamment sur les questions en mer de Chine méridionale. (http://thediplomat.com/tag/vietnam-china-relations/). Pour l’historienne Yu insun, si une nouvelle fois la situation devait se dégrader « sous aucune circonstance les Vietnamiens céderont à la pression chinoise et ils resteront égaux à la Chine ».
Une guerre menée pour la résolution de questions de politique intérieure chinoise ?
30 ans après la fin du conflit, une question taraude encore les vétérans de L’Armée Populaire de Chine :pourquoi ont ils du combattre au Vietnam? Lorsqu’on les interroge, les vétérans chinois de cette guerre expriment souvent le sentiment d’avoir été sacrifiés pour le règlement d’une querelle qui secouait à cette époque le monde politique chinois : le passage d’un système maoïste à celui d’une économie « socialiste » de marché incarné par la prise de pouvoir de Deng Xiaoping.
En effet certaines sources avancent que le conflit sino vietnamien résulterait en fait d’une manoeuvre politique du successeur de Mao : la guerre sino-vietnamienne aurait donné l’occasion au chef d’état chinois de neutraliser ses rivaux , notamment l’aile gauche maoïste du Parti communiste Chinois , alors que l’armée, plongée dans un conflit difficile, était gardée à distance des questions de politique intérieure .
Deng Xiaoping aurait eu ainsi les mains libres pour procéder à l’instauration d’une économie capitaliste à la chinoise fondée sur des principes économiques pourtant contraires au maoïsme. De même les défaillances criantes de l’APL dans cette guerre sino-vietnamienne se révélèrent un prétexte tout trouvé par le « petit timonier » pour justifier une réforme radicale des forces armées chinoises. Le contrôle du dirigeant suprême chinois sur la troupe s’en trouva d’autant plus consolidé. Ainsi explique Howard W. French, « les soldats chinois furent utilisés comme chair à canon dans un jeu politique cynique « (cf Was the War Pointless? China Shows How to Bury It )
Le jeu politique de Deng Xiapong fut ainsi central dans le déclenchement de la guerre. Ainsi que l’explique l’historien Xiaoming Zhang
« Quelques furent les justifications de cette guerre sino vietnamienne, le leadership dictatorial de Deng lui permit de dominer le processus de décision de Pékin, c’est pourquoi la sagesse de sa décision d’attaquer le Vietnam est encore discutable » .
La crise de foi des soldats de l’APL
Les déboires que rencontra l’APL dans cette guerre se traduisirent par une crise de confiance au sein de la troupe.L’idéologie du Maoïsme voire même les institutions du Parti communiste furent remis en cause. Un sentiment de trahison et d’amertume se répandit parmi les soldats de L’APL, y compris parmi les rangs de ceux et celles qui devaient composer l’élite de cette armée.
L’histoire de Xu Meihong est représentative de ce sentiment. Xu intégra l’APL en 1981. Elle rejoignit un groupe d’élite de femmes soldats sélectionnées pour embrasser une brillante carrière dans le renseignement. Loin d’être une dissidente, elle avait été sélectionnée pour profiter du meilleur de ce que pouvait proposer alors la chine des années 80. Témoin de la détérioration de l’APL et du cynisme du leadership de cette armée, elle choisit d’abandonner une carrière qui pourtant semblait prometteuse.
Au début de sa formation ,Xu était mue d’une foi inébranlable envers le Parti « Nous étions jeunes et rouges et nous croyions que nous pouvions réaliser n’importe quoi » déclara t-elle. Pourtant quand elle sortie diplômée de L’Institut des Relations International de Nangjing, ses rêves s’étaient évanouis « Plus longtemps nous servions dans l’Armée Populaire de la Libération, plus notre passion patriotique se refroidissait. Quand nous fûmes nous même témoins des honteuses machinations et de la corruption des dieux de notre jeunesse – le Parti Communiste et l’Armée Populaire de la Libération. »
Xu prit connaissance de la réalité de la guerre par le récit amer des vétérans de l’APL. Un héros de la campagne de 1979 vint partager son expérience auprès de la classe de Xu. Il commença par réciter le discours incarnant la ligne officielle du parti, qui portait aux nues le sens du sacrifice des soldats et la brillance de leurs commandants. Le succès de cette campagne prouvait la supériorité des principes de l’art de la guerre maoïste.
Mais lorsque le vétéran décrivit son expérience personnelle, ce fut une réalité très éloignée de la doctrine officielle du Parti que Xu découvra. Dans son témoignage, le vétéran affirma que « les deux côtés exécutèrent des prisonniers et l’Armée Populaire de la Libération détruisit des villages. Certains soldats chinois [devinrent] fous et attaquèrent nos propres officiers ».
L’exposé du discours officiel et son décalage avec le récit non officiel des vétérans provoqua une terrible prise de conscience chez Xu : » L’ Armée Populaire de la Libération avait de toute évidence échoué dans le conflit avec le Vietnam et le programme de travail politique impraticable. Alors comment Xu et les autres pouvaient accepter le système idéologique qui était la base du Parti, de l’Armée et du programme du travail politique. » rapporte Edward C. O’Dowd .
Pour en savoir plus
The Sino-Vietnam War-1979: Case Studies in Limited Wars Colonel G.D. Bakshi, VSM
Chinese military strategy in the third Indochina war: the last Maoist war Par Edward C. O’Dowd
La tentation impériale: politique extérieure de la Chine depuis 1949 Par François Joyaux
China’s 1979 War with Vietnam: A Reassessment Xiaoming Zhang
Deng Xiaoping and China’s Decision to go to War with Vietnam Xiaoming Zhang
The sino vietnamese war from the perspective of the historical relation between two countries. Yu Insun Sookmyung Women University
https://fr.vietnamplus.vn/defense-de-la-frontiere-septentrionale-victoire-et-lecons-historiques/117088.vnp?fbclid=IwAR1ANTU2wl1p7wbziFEOWc_DUU6hQeLU0tBnNfKx-PNdctRtcMRoYz89-lc
https://www.nytimes.com/2014/07/06/world/asia/06vietnam.html?fbclid=IwAR1KtkiIvWHty8DU2Y1C3kFL4vLxbWJ4M8VrHuQmXvkWJg_GfO2hUzMeTIg#click=https://t.co/5Dz0eXKtTd
Cet article a été cité par :
Géopolis : L’expansionnisme chinois en mer de Chine réveille Hanoï
Le différend sino-vietnamien en Mer de Chine méridionale Arthur Cabanetos
La guerre sino vietnamienne dans les cultures populaires chinoises et vietnamiennes
Le traitement de ce conflit dans les livres d’histoire du Vietnam et de la RPC suscite aujourd’hui encore passions et controverses.La question du contenu des ouvrages vietnamiens fit même l’objet de protestations diplomatiques au plus haut niveau : « En 2002 le président chinois Jiang Zemin visita le Vietnam » raconte Edward C o’Dowd. « [..] Le 27 février au milieu de la visite d’Etat [..] Jiang exhorta le secrétaire général du Parti Communiste Vietnamien Nong Duc Manh et le président Tran Duc Long de changer le contenu des livres d’histoire vietnamiens »
« Jiang conseilla aux Vietnamiens de réviser le traitement de la campagne chinoise dans le nord du Vietnam de 1979 et d’adoucir les récits du soutien de la Chine aux Khmers rouges ». Ce qui explique pourquoi il est aujourd’hui plutôt difficile de trouver des sources académiques vietnamiennes sur la guerre sino vietnamienne. Les archives vietnamiennes à propos du conflit restent aujourd’hui encore au moins en partie inaccessibles.
Mais depuis quelques années en raison du contentieux renouvelé sur les îles Paracels et Spratly (La Chine accusée de déployer des missiles en mer de Chine méridionale) la censure semble se lever peu à peu et on évoque maintenant ouvertement et assez largement le conflit sino-vietnamien dans les médias vietnamiens, bien que les manifestations populaires à propos de l’événement ne soient que très peu tolérées ( Anti-China Protesters in Hanoi Mark Border War Anniversary). En 2019 la presse officielle vietnamienne leva un tabou en désignant pour la première fois en 40 ans la Chine populaire de 1979 d’ « ennemi » et « d’expansionniste ».
Infographie du conflit sur vn express : http://vnexpress.net/customize/chien-tranh-viet-trung/
L’historiographie chinoise quant à elle a subi aussi une amputation mémorielle assez radicale : le récit de ce conflit peu glorieux pour les armées de Pékin est souvent simplement expurgé des livres chinois . La guerre sino-vietnamienne n’est abordée que dans l’enseignement supérieur.
Pourtant malgré cette censure, la culture populaire chinoise, notamment le cinéma et la musique patriotique, évoque dans certaines de ses productions cette guerre occultée.
Le film de Chen Kaige « The Big Parade » fait une allusion à la guerre de 1979. Le traitement du sujet est effectué sous un ton de propagande patriotique , « magnifiant » le sacrifice des soldats chinois au combat (en raison des ordres de la censure en opposition à l’intention première de chen kaige de concevoir un film pacifiste), mais néanmoins « The big parade » donne une certaine mesure d’un syndrome chinois de la guerre du Vietnam et de la violence de la guerre sino vietnamienne.
Plus récemment, le film Youth 《芳华》de Feng Xiaogang a pu explorer le sujet de la guerre sino-vietnamienne bien qu’ayant vu sa sortie en Chine retardée par la censure lors de sa sortie.
How Feng Xiaogang’s “Youth” Navigated Censorship and Delays to Find a Global Audience
Cimetière militaire de Vi xuyen, Vietnam
Le cimetière militaire de Vi xuyen est le lieu de sépulture de près de 1600 soldats vietnamiens qui périrent durant les combats pour Laoshan entre 1984 et 1986.
[…] [28] https://lescahiersdunem.fr/la-guerre-sino-vietnamienne/ […]
Merci pour ce texte montrant bien les horreurs de la guerre qui sont souvent passés sous silence.
[…] La guerre sino vietnamienne opposa la Chine et le Vietnam pendant une décennie. Retour historique sur le conflit et analyse des stratégies des belligérents. — À lire sur lescahiersdunem.fr/la-guerre-sino-vietnamienne/ […]