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S’il existe un sujet polémique dans l’histoire japonaise, c’est bien la période de la seconde guerre mondiale qui vit le Japon impérial se lancer dans une entreprise d’agression militaire visant à établir sa domination sur l’ensemble de l’Asie.

Alors quand pour ce qui a été annoncé comme son dernier fois long métrage, Hayao Miyazaki a pris ses crayons une ultime fois pour raconter  cet épisode funeste de l’histoire du japon , c’était sur un terrain particulièrement miné que le réalisateur s’aventurait. Et il a fallu bien du doigté à Miyazaki pour  essayer de composer son film sans créer la polémique. Mais si le réalisateur se sort pas trop mal des pièges de l’Histoire-sauf peut être on le verra dans sa morale- c’est hélas au détriment de son œuvre artistique : à  force de renoncements précautionneux le vent se lève se réduit souvent à une belle machine qui tournerait quelque peu à vide.

Car contrairement à ce qu’on pourrait croire, le vent se lève n’est pas un film de guerre : Il s’agit de la biographie romancée l’ingénieur en aéronautique Jiro Horikoshi concepteur de l’avion de chasse Mitsubishi A6M qui est resté dans la postérité sous le nom de Zero. (Le propre père de miyazaki dirigea aussi une usine de production pour le Zero)  Et sans doute on peut légitiment penser que  relater la seconde guerre mondiale de la perspective d’un ingénieur n’est pas la manière la plus palpitante qu’il soit.  Dans un vent se lève, la violence du conflit n’est qu’évoquée de façon lointaine, c’est l’ellipse qui prévaut. Pour  miyazaki  d’ailleurs « le propos [d’un vent se lève] n’est  pas de condamner la guerre. »Donc point de combats épiques miyazakesque on assistera à la conflagration mondiale de la quiétude d’un bureau d’étude.

Et si un vent se lève a bien pour thématique la genèse de la construction du mythique zéro, il n’est pas pour autant une ode à la passion de l’aviation : « cela ne m’intéresse aucunement de montrer des faits et des données sur la  technologie aéronautique » explique miyazaki. Sans doute dans le souci de ne pas devenir un film apologétique d’une arme de guerre marquée du « sceau de l’infamie » de Pearl Harbor comme dirait Roosevelt , Miyazaki reste volontairement dans la caricature quand il s’agit de montrer les prouesses du zéro.   Amateur de belles mécaniques passez votre chemin, on en saura pas plus avec un vent se lève de ce qui a fait du zéro le meilleur chasseur du début de la deuxième guerre mondiale.

Ni film de guerre, ni véritablement film d’aviation que reste t-il au long métrage de miyazaki ? Un vent se lève est en fait consacré   à l’aventure humaine de Jiro dévouée dans son entièreté à l’aboutissement du rêve de sa vie: construire l’avion parfait.

Le vent se lève ,il faut tenter de vivre tel est le titre complet du film, un vers poignant et magnifique tiré de la poésie de Paul Valéry. Vivre sa passion à tout prix , quitte à se précipiter dans l’abîme est le propos principal du film. Même s’il faut pactiser avec un régime militariste qu’il ne soutient pas et dont il est pourtant à la fois témoin et victime des politiques répressives. Même s’il faut consumer la santé de celle qu’il aime , Jirô choisissant de garder sa compagne gravement malade à ses côtés  pour trouver la force  grâce à son amour de mener à bien son sacerdoce.  . Conscient des tourments qui frappaient aussi bien sa propre famille que la société japonaise au seuil de la seconde guerre mondiale, Jirô sacrifiera  malgré tout ce qu’il possède de plus précieux  pour concevoir l’aéronef de ses songes. Un vent se lève révèle  ainsi toute l’ambiguïté de cette catégorie de japonais ni héroïques, ni fanatiques mais tacitement complices des crimes de leur régime en étant « coupables » d’avoir  voulu réaliser leurs aspirations les plus chères-de vivre tout simplement- en ces temps de guerre. Ce que miyazaki ne dénonce pas explicitement.

Et cela fait du film de Miyazaki, une œuvre  d’une beauté crépusculaire parfois proprement bouleversante mais  sans doute porteuse d’une morale un peu tendancieuse :en faisant des  militaristes  les seuls responsables de cette guerre et les voleurs des rêves et du génie nippon  ,miyazaki exonère un peu facilement le peuple japonais de toutes responsabilités dans l’entreprise totalitaire du Japon Impérial.

Au final un vent se lève interpelle dans ses contradictions ce qui se ressent terriblement dans sa narration : en assumant jamais complètement son propos, un vent se lève met vraiment du temps -trop même- à décoller et ne parvient hélas pas aux altitudes stratosphériques auquelles Miya-san nous avait tant habitué.

Nos remerciements à Alexia Plandé de way too blue pour son invitation à l’avant première.

Pour en savoir plus sur l’histoire du zéro

http://lautrecotedelacolline.blogspot.fr/2014/01/les-oiseaux-de-metal-de-jiro-horikoshi.html

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