Reportage. Dans la province chinoise de Mongolie Intérieure, l’utilisation du mongol est progressivement proscrite dans les écoles. Une interdiction qui provoque l’émoi dans la diaspora mongole en France.
Vêtus du « deel », le costume traditionnel mongol, les Mongols de France sont rassemblés ce dimanche 13 septembre à proximité de l’Ambassade de Chine à Paris. « Nous sommes ici parce que l’État chinois interdit l’enseignement de notre langue maternelle, le mongol, à l’école » explique Longmon Wang, un des organisateurs du rassemblement.
Depuis la rentrée dernière, la littérature, l’Histoire et la politique ne peuvent plus être enseignées en langue mongole dans les établissements de la région autonome de Mongolie Intérieure (en mandarin :内蒙古) . En réaction à cette interdiction, des manifestations d’étudiants rejoints par leurs parents ont éclaté dans toute la province. Du jamais vu pour une région réputée paisible. Au moins 23 personnes ont été officiellement arrêtées.
Un génocide culturel
Province située au nord de la Chine, la Mongolie Intérieure abrite en effet une importante population d’origine mongole qui lutte pour la préservation son identité. Les droits linguistiques des ethnies non-Han sont pourtant garantis par la constitution de la République Populaire de Chine : l’article 4 de la constitution autorise expressément les minorités à conserver leur langue.
Malgré une protection théorique conférée par la constitution chinoise, les Mongols de Chine ont subi de nombreuses persécutions par le passé qui ont entraîné « un génocide culturel » selon Tergel, étudiante mongole en France. Pendant la Révolution culturelle et l’événement connu en Mongolie Intérieure sous le nom de « purge du Parti Révolutionnaire de Mongolie Intérieure » (en mandarin : 内蒙古人民革命党肃清事件), des dizaines de milliers de Mongols ont été massacrés pour suspicion de séparatisme, rappelle Tergel. Et déjà à l’époque, les écoles enseignant le mongol furent fermées.
« Nous souffrons de la colonisation de la part du gouvernement de la République Populaire de Chine » ajoute Longmon Wang. Du fait de l’afflux de population Han en Mongolie Intérieure, les Mongols de Chine sont désormais minoritaires dans leur propre région autonome dont ils ne représentent plus que 17% de la population. « Nous les Mongols, nous sommes inquiets, nous pourrions disparaître un jour » déplore Tergel.
La politique de Pékin envers la minorité mongole n’a cependant pas toujours été répressive. A partir des années 1980, sous l’impulsion du secrétaire général du Parti Hu Yaobang, les droits linguistiques des Mongols ont été restaurés. Un geste d’apaisement alors bien reçu par la population. « Nous avons toujours apprécié que la Chine populaire ait autorisé jusqu’à maintenant l’apprentissage du mongol » révèle une des organisatrices du rassemblement. « C’est pour cela que nous ne comprenons pas l’interdiction. C’est une erreur, comme celle que la France a commise pour ses langues régionales. Nous essayons de faire comprendre aux Chinois que la Chine n’a rien à gagner en interdisant l’enseignement des langues, cela va fragiliser l’unité de la République Populaire de Chine » explique-t-elle.
Des revendications modérées
Malgré la répression qu’ils subissent, les Mongols de Chine n’envisagent pas de réclamer dans l’immédiat leur indépendance. « Si la Chine autorise de nouveau l’enseignement du mongol et respecte les droits de l’homme, il n’y a pas lieu d’aller plus loin » insiste une manifestante. Habituellement, l’ethnie mongole est considérée en Chine comme une minorité modèle, peu revendicatrice. « Vous savez, les Mongols sont un peuple très sage. En 70 ans sous la République Populaire de Chine, nous n’avons pas organisé beaucoup de mouvements de protestation » rappelle Longmong Wang. « Si nous réagissons aujourd’hui c’est que les autorités sont allées trop loin, un peuple sans sa langue mourra ».
En Mongolie Intérieure, comme au Xinjiang ou à Hongkong, l’intransigeance sécuritaire du Parti Communiste Chinois prônée par le président Xi Jinping semble nourrir ce qu’elle est précisément censée combattre : la division de la nation chinoise.