C’est au festival d’Annecy de juin 2019 qu’a été présenté le premier long métrage du studio Trigger, jeune société fondée en 2011, qui a déjà démontré tout son talent avec la série détonante Kill la Kill où une jeune lycéenne débarque dans une académie un brin fascisante pour retrouver l’assassin de son père et se confronter au redoutable conseil des élèves. Leur nouveau film a fait l’effet d’une petite bombe et a totalement enchanté le public. Précédé de cette très bonne réputation, le film a eu droit à une sortie discrète sur les écrans français. Et pour les chanceux qui l’ont vu, le spectacle était au rendez-vous.
L’histoire
Promare nous plonge dans un univers futuriste. Il y a 30 ans, des humains ont subi une mutation provoquant des combustions spontanées qui ont embrasé la terre. La moitié des villes du monde ont été dévastées. Depuis, si la situation semble sous contrôle, les pouvoirs surveillent comme le lait sur le feu les Burnish et les traquent sans relâche. Un groupe terroriste, les Mad Burnish, continue néanmoins à semer le trouble. Pour les contrer, Kray Foresight, héros et gouverneur de la ville de Promepolis, a créé la Free Force, une force de police aux méthodes musclées capable de neutraliser les Burnish. Mais pour éteindre les incendies, c’est la Burning Rescue, super équipe de pompiers modernes dotés de Méchas, qui agit. L’équipe est appelée pour stopper un nouvel incendie des terroristes. L’occasion rêvée pour le pompier Galo Thymos de combattre le leader des Mad Burnish et de plonger dans une traque épique.
Promare offre d’abord une histoire rudement bien ficelée qui mêle méchas, intrigue politique, mission de sauvetage et trahison. Pendant près de deux heures, le film nous tient en haleine. L’ensemble est totalement cohérent en offrant presque trois intrigues qui s’entrecroisent et se rejoignent en un final haletant. L’univers original est d’une telle richesse qu’il aurait très bien pu servir de trame à une série. Si le film est riche et rapide, il n’en garde pas moins une grande clarté associée à des développements de personnages très bons. Ainsi cette trame narrative glisse de l’intrigue urbaine à des enjeux planétaires voire stellaires pour exploiter l’imagination des scénaristes. Très intelligemment, l’antagoniste du début n’est pas la réelle menace : le passé vient bousculer les légendes et l’heure des choix vient réécrire les certitudes. De là, le film en vient à dénoncer le libéralisme, l’individualisme et la tyrannie des médias. Les créateurs du studio Trigger s’adressent de la sorte à un public divers : les jeunes certes, mais aussi les adultes trouveront vite leur compte grâce à l’épaisseur de l’intrigue.
Un spectacle de haut vol
Cette histoire dense est magnifiée par le spectacle visuel. Dès le début, le film nous prend par son choix esthétique simpliste, les couleurs ternes pour évoquer les terribles destructions provoquées par la naissance des burnish. Une vraie pesanteur qui contraste avec la suite du film. La composition mise en effet sur une vision artistique originale et totalement assumée : de la couleur partout qui explose, des formes aux géométries uniques et psychédéliques. Le studio a choisi de nous en mettre plein la vue en puisant à toutes les sources : esprit mécha, délires urbains à la Tiger et Bunny (série mélangeant l’univers des superhéros et des méchas dans une cité imaginaire appelée Stern Bild city), imaginaire japonais médiéval, exo-squelette… L’ensemble conserve sa cohérence car les créateurs croient totalement en leur univers de super combattants du feu alliant courage et technologie. L’autre grande réussite graphique, c’est la représentation du combat entre les deux éléments opposés : le feu et l’eau. Le film s’amuse à exploiter toutes les représentations et utilisations de ces éléments : glace, vapeur, lave, jets, condensation… C’est un duel épique de la première à la dernière séquence sans aucune redite car les réalisateurs ont choisi de montrer à chaque séquence une nouvelle idée (cité volante), un nouveau décor (prison de glace, volcan) et de nouveaux personnages.
Cela nous amène à saluer l’admirable travail de l’animation. Si vous aimez les ambiances à la Tiger et Bunny ou Redline (une histoire de course à grande vitesse à mi-chemin entre le jeu F-Zéro et le film/série speed racer), vous allez être aux anges. La représentation des combats et des interventions de la Burning Rescue, c’est du très grand art. Tout va vite, défie la gravité tout en gardant une excellente lisibilité. Le travail sur l’eau et les flammes mérite le coup d’oeil. Quant aux combats de méchas, les animateurs ont mis la barre haute. Les influences nombreuses – Evangelion, Transformers, Batman Ninja – sont assimilées pour produire des engins au design délirant à la fois ultra moderne et aussi ancré dans le folklore japonais, la palme revenant au mécha utilisant un matoi, sorte de lanterne utilisée par les pompiers de l’ère Edo pour signaler un incendie, devenue une arme décuplant la force du robot. Et si vous ajoutez une bande son parfaite qui oscille entre l’épique, le tragique, la démesure, le chant…
N’en rajoutons plus, Promare a tout pour plaire aux amateurs d’anime ambitieux, créatifs, déjantés et intelligents. Une orgie visuelle au service d’une vraie vision d’artiste. Un petit miracle