Premier film du cinéaste coréen Kim Bong-Joo, The Phone se présente comme un thriller palpitant construit autour d »une idée originale et risquée : mélanger une intrigue digne du Fugitif avec les voyages dans le temps style Retour vers le Futur avec paradoxe et boucle temporel. Pari audacieux (inspirée du film fréquence interdite) qui a reçu un très bon accueil dans les salles coréenne. Est-ce mérité ?
L’intrigue se concentre sur un avocat se Séoul qui tout en menant la défense d’un gros client reçoit une photographie et un film capable de compromettre la carrière d’un politicien local. Alors qu’il fête un nouveau début de carrière, son épouse médecin est brutalement agressée et assassinée chez elle par un voleur. Détruit son époux et sa fille tentent de se reconstruire. Un an plus tard une tempête magnétique est annoncée sur Séoul. C’est à ce moment que l’avocat reçoit un appel de sa femme émis le jour de sa disparition. D’abord incrédule il comprend qu’il est entrain de parler avec sa femme à un an de distance. Entre les deux s’engage une cours contre la montrer pour empêcher l’assassinat et trouver leur meurtrier.
Il est toujours difficile de tenir une intrigue basée sur les paradoxes temporels et surtout d’en faire la base de son premier film. Kim Bong-Joo relève brillamment ce défi. Les codes du genre sont très bien respectés, l’impact des boucles se retranscrit magnifiquement à l’écran. L’effet papillon s’introduit progressivement à l’image. Modification de rayures sur une voiture, déplacement d’objets dans la maison jusqu’à l’impressionnante scène où l’aspect physique du mari se modifie au gré des changements dans le passé. Car une fois passé l’introduction, le film conserve un rythme fort où le sauvetage premier de l’épouse induit une nouvelle trame chronologique conduisant encore à son décès. Pour l’avocat c’est une lutte à distance : diriger son épouse vers un lieu sûr et remonter le fil de l’enquête. Ainsi le film dans sa seconde moitié empreinte le chemin du Fugitif : sauver son épouse revient en effet à modifier le scénario de sa mort entraînant cette fois-ci la chute de l’avocat lui-même. La référence au fugitif est très forte. Sans spoiler un personnage secondaire prend tout son sens une fois l’enquête sur leur meurtre engagé à un an de distance. Tout en étant dynamique, le film multiplie les scènes touchantes : la relation père-fille ; la redécouverte de sa femme ; l’amour renaissant un an après (scène finale magnifique et si simple). De même la construction de l’assassin est très réussie : en présentant sa vie personnelle, il en devient encore plus repoussant.
Côté réalisation le film fait le travail. L’intrigue se passe intégralement dans un univers urbain, celui de Séoul et elle rend hommage à la beauté, diversité de capitale : quartier high tech, quartier traditionnel. Le passage le plus réussi reste la course poursuite de nuit à Cheonggyecheon, promenade le long d’un canal artificiel. La photographie est somptueuse : contrastes, ombres, tout est classe. Comme le sont les plans aériens, simples mais tellement beaux. Un coup de chapeau encore à la maison de l’avocat, pièce centrale du film et qui permet de superbes sauts de le temps où en temps réel des éléments disparaissent, changent de place…Tout ceci contribue à une totale immersion dans le film.
Parlons enfin du casting qui bonifie lui aussi une intrigue géniale. Tous les acteurs secondaires sont bons voire excellents. Et les quatre têtes d’affiche sont également au diapason. On retrouve Son Hyun Joo, excellent en avocat frappé par le deuil (rôle qui rappelle celui du drama The Chaser) ; Bae Sung Woo le meurtrier hyper convaincant et terrifiant ; Uhm Ji Won touchante en épouse délaissée puis sauvée ; No Jeong Ee, leur fille qui doit jongler entre l’enfant qui a perdu sa mère, la fille qui se reconstruit avec son père, la fille qui a tout perdu… une belle composition très bien dirigée.
The Phone part d’une idée simple magnifiée par un parti pris scénaristique fantastique emprunté certes mais enrichi. Résultat : un très bon film dont il serait étonnant qu’il ne soit pas l’objet de remake à son tour.