Jean-Claude Pomonti a été journaliste au quotidien Le Monde de 1968 à 2005. En 1992, alors qu’il vient de retourner en Asie du sud-est en tant que correspondant régional de ce journal, une lectrice lui adresse un courrier, relatant un fait qui soutient la revendication de souveraineté du Viêt Nam sur l’archipel des Paracels. Plus de trente ans plus tard, en classant ses archives, le journaliste l’a retrouvé et le publie en exclusivité dans les Cahiers du Nem.
En août 1992, j’ai reçu une lettre de Jacqueline Thibonnier dont le père, Jean Delage, avait été le maire de Tourane, aujourd’hui Da Nang, la grande ville du centre du Vietnam. Jean Delage était « administrateur des Services de l’Indochine » française. Mme Thibonnier me signalait qu’en 1939, son père « avait embarqué pour les îles Paracels, totalement vierges d’occupants, et y avait établi la première section d’hommes et planté, bien sûr, le drapeau français ». « J’étais petite fille mais je me souviens très bien de son retour et de sa joie d’avoir contribué à donner vie à ces îles », poursuivait-elle.
Cette collection inhabitée d’îlots et de récifs est située à 200 miles à l’est de la côte vietnamienne, à la même latitude que Da-Nang et à une distance à peu près équivalente de l’île chinoise de Haïnan, qui se trouve plus au nord. L’archipel a donc été doté par les Français d’une modeste garnison à la veille de l’occupation de l’Indochine par l’armée japonaise, qui en a revendiqué le contrôle en 1941. Depuis, l’archipel des Paracels a été transféré à l’Etat du Vietnam, créé en 1949 par les Français et dont Bao Dai, dernier empereur du Vietnam (1925-1945), a été le chef. Plus tard, l’archipel a été rattaché à la République du Vietnam lors de sa proclamation à Saigon en 1955.
La suite est mieux connue : en janvier 1974, donc plus d`un an avant la victoire militaire des communistes, l’armée chinoise a chassé de l’archipel la garnison sud-vietnamienne qui s’y trouvait sans moyens de résister. La Chine populaire a fait valoir que la mer dite de Chine méridionale lui appartenait. A la demande des Philippines, la Cour Internationale de La Haye a jugé en juillet 2016 que, contrairement aux déclarations de Pékin, la Chine ne disposait pas de « droits historiques » sur la mer de Chine méridionale, riche en hydrocarbures et par laquelle transitent les deux tiers du commerce maritime entre l’Europe et l’Extrême Orient. La Chine a aussitôt annoncé qu’elle ne respecterait pas le jugement de La Haye.
Entre-temps, Pékin a rattaché, sur le plan administratif, les Paracels à la province de Haïnan et a aménagé cet archipel en le dotant notamment d’une piste d’aviation et de défenses anti-aériennes. Les Chinois en a fait autant à propos des îles Spratleys, l’autre archipel de la région qu’elle dispute à plusieurs Etats riverains, à commencer par le Vietnam. Dans sa correspondance, qui remonte à plus de trente ans, la fille de l’ancien maire français de Tourane estimait que les Paracels reviennent « sans équivoque » et « de droit au Vietnam » .