Succès populaire au box office hongkongais, “The Sparring Partner” est un polar judiciaire caustique et sanglant sur une affaire de parricide et de démembrements, qui avait défrayé la chronique à Hong Kong en 2013. Dans le cadre du 2ème festival du film hongkongais de Paris, les Cahiers du Nem se sont entretenus avec le réalisateur du film, Ho Cheuk Tin.
Pourquoi avoir choisi l’affaire du double parricide de Tai Kok Tsui comme sujet de votre premier film ?
En fait, le sujet du film a été choisi par Philip Yung (le producteur du film). Grâce à Port of Call (son troisième film en tant que réalisateur), Philip a acquis une très bonne réputation dans les films de meurtres. C’était beaucoup plus facile pour lui de traiter de cette thématique pour son premier film en tant que producteur. De plus, de nombreux “amateurs” d’affaires de meurtres et de procès à Hong Kong ont suggéré à Philip Yung de tourner un autre film sur un homicide, mais il n’était pas intéressé par cette idée. En revanche, il souhaitait trouver un jeune réalisateur pour le faire. Et il m’a suggéré de le réaliser.
En tant que réalisateur, j’ai un grand intérêt pour cette affaire pour plusieurs raisons. Tout d’abord, il s’agit d’une affaire datant de 2013 dont l’accusé, Henry, a d’abord déclaré que ses parents avaient disparu puis a demandé l’aide d’Internet pour les retrouver. Beaucoup de Hongkongais ont essayé de l’aider alors qu’il avait dissimulé le fait qu’il les avait assassinés. Je pense que les habitants de Hong Kong se sont sentis trompés par lui quand ils ont appris la vérité.
De plus, Henry est un jeune homme de mon âge et je suis donc curieux de savoir pourquoi un vingtenaire vivant à Hong Kong a commis un meurtre aussi horrible. C’est le principal point de départ du tournage de ce film.
Je pense qu’il s’agit aussi d’une affaire judiciaire représentative des années 2010 à Hong Kong. C’est une affaire où Internet est beaucoup utilisé. Facebook, YouTube, WhatsApp… Tous ces réseaux sociaux ont été un catalyseur du meurtre. Et comme je suis un grand fan de films d’enquête, en particulier japonais, j’ai été très intéressé par l’élucidation de ce parricide.
Dans la scène de l’aveu du parricide, Henry, le meurtrier, est représenté de manière fantasque en Hitler. Pourquoi une telle insistance sur le dictateur nazi ? Cette idée est-elle venue de vos propres recherches sur les événements réels, ou est-ce un choix artistique que vous avez fait en tant que réalisateur ?
Au cours de mes recherches, j’ai découvert que Henry était un grand fan d’Hitler. Je me suis demandé comment un homme qui a assassiné ses parents peut être influencé par Hitler. J’ai essayé de me documenter sur le dictateur et j’ai trouvé qu’il y avait des points communs entre les deux personnages. Ils sont accros au pouvoir et essaient de contrôler la vie des autres. Ils aiment aussi attirer l’attention des médias. Je pense donc que c’est une bonne chose de représenter Henry en Hitler, car c’est une projection de sa propre pensée.
Faire cela a été également un choix artistique rarement vu dans le cinéma hongkongais.
De notre point de vue, nous avons le sentiment que les tragédies évoquées dans The Sparring Partner semblent malheureusement courantes à Hong Kong. J’ai pensé au film de votre producteur Philip Yung, Port of Call, qui relate aussi un meurtre suivi d’un démembrement de la victime par un jeune meurtrier. Quelle est votre opinion personnelle sur cette affaire ? Qu’est-ce que cette tragédie nous apprend sur la vie à Hong Kong de nos jours ?
Je pense qu’il s’agit d’une grande tragédie pour une famille hongkongaise. Mais nous ne pouvons pas uniquement blâmer le meurtrier : il existe de nos jours une grande chaîne de problèmes dans le conflit entre les générations à Hong Kong.
(Attention Spoiler : se reporter à la question suivante pour ne pas dévoiler le film)
La scène finale avec les toiles d’araignées est très percutante et nous laisse penser à la culpabilité d’Angus. Quelle était votre intention concernant le personnage d’Angus ?
Pour moi, Angus est un mystère. Même à la fin du film, aucun des personnages, à part Henry, ne connaît la vérité sur le meurtre. L’araignée est également un mystère pour moi. Pendant une interview au cours de laquelle il se défend, Angus a réellement mentionné cette image d’une araignée [durant ses cauchemars]. Il laisse entendre qu’il s’agit d’Henry. Mais à mon avis, ce n’est pas la seule réponse possible, c’est pourquoi j’ai placé cette scène à la fin du film. Le public peut avoir sa propre interprétation en fonction de ce qu’il pense d’Angus.
Les personnages du jury semblent refléter la société hongkongaise contemporaine. Jusqu’à quel point vouliez-vous être proche de la réalité ? Quelle liberté vous êtes-vous accordé dans la reconstitution de ces événements ?
Selon la loi hongkongaise, les jurés n’ont pas le droit de révéler au public le contenu de leurs délibérations. La partie du film consacrée au jury est donc essentiellement fictive. Comme dans le film 12 hommes en colère, dans ces scènes, le jury discute principalement de l’élucidation de l’affaire. Mais dans The Sparring Partner, il s’agit davantage de dépeindre la société. Le conflit entre les générations est principalement évoqué dans les scènes où est discutée la bonne manière de raisonner et de juger en tant que juré. Comme ces scènes sont fictives, nous avons eu plus de liberté dans leur création que dans les autres parties du film.
Le film utilise différents genres : comédie noire, horreur gore, satire du système judiciaire, portrait de la société hongkongaise. Pourquoi avez-vous voulu faire un film aussi inclassable en termes de genres ?
En premier lieu, The Sparring Partner est d’abord un film de meurtres, un genre très important durant les années 90 à Hong Kong, dont le long-métrage le plus célèbre a été The Untold Story. Mais à l’inverse de The Untold Story, le film dévoile une affaire de meurtres de manière moins « exploiteuse » que celui-ci. Un film judiciaire était le bon moyen de raconter une histoire aussi compliquée que celle-ci.
Le public pour ce genre de films est désormais très différent de celui du passé. Les spectateurs regardent de nombreux documentaires sur des affaires de meurtres sur Netflix. Ils écoutent également les avis des influenceurs sur YouTube au sujet des faits divers criminels. C’est pourquoi le film devait s’adresser à un public plus large. Il porte sur une affaire criminelle, mais aussi sur le droit judiciaire, et même les médias. Les spectateurs peuvent tirer beaucoup de différentes perspectives du film.
Le film a été bien accueilli et a été un succès financier. Apparemment, les jeunes ont été particulièrement attirés par le film. Pourquoi pensez-vous qu’il en a été ainsi ? L’aviez-vous prévu ?
Cet accueil était très inattendu. The Sparring Partner est un film de catégorie III, ce qui signifie que les moins de 18 ans ne peuvent pas aller le voir. Quant aux acteurs du film, ils viennent pour la plupart du théâtre et ne sont pas très connus dans le monde du cinéma. Mais le film a eu beaucoup de chance que le public l’ait tant apprécié et je me sens aussi chanceux.
Les jeunes l’aiment parce qu’il parle aussi de leur génération et du conflit entre les générations. C’est un sujet très important pour les jeunes qui ont grandi dans les années 2010. En dix ans, Hong Kong a beaucoup changé, la plupart de ses habitants peuvent comprendre le sens du film selon cet aspect.
Quels sont vos futurs projets dans le domaine du cinéma ? Quels sont les sujets que vous souhaiteriez aborder en tant que réalisateur ?
J’aimerais tourner un film sur le sport, et même un film d’action. C’est un genre différent pour moi et j’adorerais m’y attaquer !