Petit clin d’oeil humoristique pour commencer. Le film Salut l’ami, Adieu le trésor, avec Bud Spencer et Terence Hill sorti en 1981 nous raconte l’improbable course au trésor de deux aventuriers sur une île du Pacifique où ils retrouvent un soldat oublié de l’armée impériale japonaise. Derrière cette comédie sympathique de Sergio Corbucci se cache un fait réel qui fit la une des journaux au milieu des années 1970 : l’histoire d’Hiro Onoda.
Hiro Onoda est décédé à l’âge de 91 ans le 18 janvier 2014. Ce vétéran de la seconde guerre mondiale était le dernier soldat oublié de l’armée impériale, ces hommes qui continuèrent à se battre ou plutôt à se cacher en menant des opérations de guérilla bien après la reddition du Japon.
On compte plus d’une douzaine de ces soldats retrouvés après guerre. Compte tenu de l’immensité du Pacifique, du nombre d’îles et de l’isolement de ces troupes, ajouter à cela l’entraînement insistant sur la non reddition, il était inévitable que des petits groupes se retrouvent coupés de leur commandement. Les premiers cas sont signalés en 1945; Le plus célèbre est celui du capitaine Oba qui à Saipan a continué de mener une guérilla efficace contre les Américains jusqu’en décembre 1945. Le dernier cas remonte à 1974. Il s’agit du soldat Teruo Nakamura qui se rend en décembre 1974. Ces soldats ont été retrouvés en majorité dans l’archipel philippin composé de 7 000 îles et à Guam. Il est à noter néanmoins que beaucoup de soldats sur le continent ont continué la lutte en s’engageant dans les armées locales. On connait ainsi le cas de ces japonais ayant combattu avec l’armée de Mao, mais aussi 3 cas au moins de Japonais ayant rejoint les rangs du Viet Minh contre l’armée française en Indochine : Sei Igawa, Kikuo Tanimoto (futur formateur militaire au Vietnam), Takuo Ishii.
L’histoire de Onoda capturé en mars 1974 à Lubang aux Philippines est emblématique. Isolé avec 3 camarades il mène des opérations ponctuelles contre l’armée philippine respectant leur serment de ne jamais se rendre ni de ne jamais lancer d’attaques suicides. L’un d’entre eux néanmoins sort de la jungle en 1950. Tokyo les déclare mort 9 ans plus tard. En 1959 il est contacté par un étudiant japonais Suzuki qui échoue à le faire rentrer au pays. Ils refont parler d’eux en 1972 lorsque les deux survivants sont impliqués dans une escarmouche dont seul Onoda réchappe. Sa famille est envoyée du Japon pour lui parler, des journaux japonais sont largués, rien n’y fait. Il faut que son ancien supérieur le major Tanigucho (devenu libraire) se rendre sur place en 1974 et lui ordonne de cesser le combat pour que l’ancien soldat et spécialiste en guérilla sorte de la jungle. Il expliquera son refus de se rendre par le fait qu’il croyait que les journaux reçus étaient la propagande, que le Japon était devenu un Etat fantoche et que la guerre continuait (il observait beaucoup de mouvements d’avions américains qui en réalité étaient engagés dans la guerre du Vietnam !!) . Son retour à la vie civile fut difficile : le Japon avait beaucoup changé. Il partit en 1975 au Brésil, ouvrit un camps pour enseigner les techniques de survie puis revient en 1996 à Lubang aux Philippines où il fit un don utilisé pour construire une école.
Dans l’une de ces dernières interviews, il tenait ces propos très éclairés : « J’ai vécu dans une époque de guerre. Ce que les gens disent varient d’une époque à l’autre (…). Je pense que nous ne devrions pas nous laisser influencer par le climat du moment mais réfléchir calmement ».
Hiro Onoda permet de saisir l’immensité du conflit qui embrasa l’aire d’Asie-Pacifique. Il est aussi emblématique de l’isolement progressif des troupes nippones dans les archipels une fois leur marine anéantie. Son refus de ne pas se rendre s’explique aisément quand on observe son parcours militaire : formé à l’école militaire de Kurume, une école très dure, il passe ensuite par l’école de Nakano, un académie spécialisée dans les commandos et la guerre non conventionnelle. L’idée de guerre passive y est massivement enseignée et de nombreux élèves se sont retrouvés impliqués dans les batailles les plus dures, les plus désespérées de la bataille comme celle d’Okinawa. Ainsi en plus d’Onada, un autre soldat perdu célèbre est sorti de cette institution : le lieutenant Kikuo Takimoto.