La guerre du Vietnam filmée et vue par les Vietnamiens
Suite de notre dossier sur les films de la guerre du Vietnam
Dans ce dossier spécial guerre du Vietnam en plus d’une filmographie, nous confronterons les films avec leur contexte historique. La première partie du dossier explorait le cinéma qui présentait la vision que l’amérique pouvait avoir de ce conflit. La seconde partie portera sur les films qui montrent la guerre du point de vue de l’Autre côté : les Vietnamiens, du Nord et du Sud Vietnam.
La guerre du Vietnam est un sujet complexe. Et force est de constater que la plupart des films américains sur ce sujet donne une vision unilatérale voire simpliste de ce conflit. Dans cette deuxième partie nous vous donnerons une filmographie présentant le point de vue des Vietnamiens sur cette guerre. Mais là encore un petit rappel historique s’impose, de quels vietnamiens parle t-on?La guerre du Vietnam a été pour les Vietnamiens une guerre civile , déchirant la nation vietnamienne dans une lutte fratricide entre deux camps :entre le nord Vietnam appuyé par l’ensemble du bloc communiste et le sud Vietnam allié aux États-Unis. Peu de films américains se sont réellement intéressés au sort des Vietnamiens: au mieux les forces du Vietcong apparaissent comme des ombres en pyjama noir, quant aux soldats du sud-Vietnam,alliés des USA ils sont le plus souvent absents de ces œuvres. Nous essaierons de vous présenter les films américains traitant de ce sujet mais aussi les rares œuvres vietnamiennes parvenues en occident, les films que les Vietnamiens ont tournés sur cette guerre qui était la leur, plus encore que celle des Américains.
La Danse de la cigogne (Vu khuc con co)de Jonathan Foo, Nguyên Phan Quang Binh avec Hai Yen, Pham Gia Chi Bao (2002)
En avril 2000, Tran Van Thuy, un ancien correspondant de guerre du Nord Vietnam, raconte l »histoire de cinq volontaires et de leurs différentes aventures pendant la guerre entre 1968 et 1975.
A l’envers des habituelles productions hollywoodiennes sur la guerre, ce film vietnamien nous fait vivre la guerre du côté des forces communistes nord vietnamiennes: le Vietcong. La force du film réside dans le fait de mettre un visage humain sur ces soldats nord vietnamiens trop longtemps cantonnés à des silhouettes impersonnelles dans les films occidentaux justes bonnes à être bombardées ou mitraillées. Dans un cadre à la fois romanesque et humaniste, on vit la guerre du côté des hommes et femmes du vietcong avec leurs interrogations, leurs angoisses et leurs douleurs. Ce film est entrecoupé de témoignages de vrais vétérans : La danse de la cigogne a été écrit à plusieurs mains par d’anciens soldats nord vietnamiens mais aussi américains. Si on a connu oeuvre plus inspirée sur la guerre tant sur le fond que sur la forme, le film ne faisant finalement que répéter une version elle aussi aseptisée de la guerre, la danse de la cigogne a au moins le mérite de présenter à l’occident ces combattants si souvent occultés dans les superproductions américaines.
le fait historique: le vietcong
La danse de la cigogne s’attache à donner la parole aux combattants vietnamiens communistes communément appelés « vietcong ».Le terme Việt Cộng est souvent utilisé improprement dans le cinéma américain pour désigner les forces communistes dans leur ensemble, c’est à dire le Front national de Libération du Sud Vietnam (à savoir la guérilla communiste au sud Vietnam) et l’armée populaire du Vietnam (les troupes régulières nord vietnamiennes). En réalité, Việt Cộng est l’appellation appropriée des seules forces du FNL. Les troupes de l’APV et du VC, dirigées par le gouvernement nord vietnamien, partageaient un objectif commun : le départ des troupes américaines et la réunification du pays sous l’égide d’un Etat communiste .La guerre du Vietnam fut menée avec des moyens militaires inégaux selon les camps : cela se vérifie aussi dans le cinéma. Le nombre de films relatant la vision du vietcong est insignifiant par rapport à la masse de films hollywoodiens. Les forces communistes vietnamiennes ont perdu entre 440000 à1 million d »hommes soit 10 à 20 fois plus que les pertes américaines.(les États Unis perdirent 58000 hommes dans ce conflit)
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http://www.pbs.org/battlefieldvietnam/guerrilla/index.html
http://www.anothervietnam.com/toc.html
Heaven and Earth (Entre ciel et terre) (1993) de Oliver Stone, d’après le livre de Le Ly Hayslip, avec Tommy Lee Jones, Joan Chen, Haing S. Ngor, et Hiep Thi Le. L’histoire
Le destin de Le Ly, jeune paysanne vietnamienne,brisé par la guerre . Arrêtée par les troupes Sud vietnamiennes en raison de son engagement auprès du Vietcong , elle subit tortures puis est violée àsa libération par ses anciens compagnons du Vietcong qui la prennent pour une traître. Elle y rencontre, un G.I. américain dont elle tombe amoureuse. Après « Platoon » et « Né un 4 juillet », Oliver Stone clôt sa trilogie sur la guerre du Vietnam en s’inspirant de l’histoire vraie de Le Ly Hayslip . A travers le destin tragique de cette femme, Oliver Stone révèle les traumatismes que les Vietnamiens ont subis à cause de la guerre. Des souffrances qui font écho à celle vécues par les soldats américains dans les autres volumes de sa trilogie. Si cet opus est sans doute moins maîtrisé que les volumes précédents, « Entre ciel et terre » reste un film fort et termine logiquement le cycle de Oliver Stone sur la guerre du Vietnam.
Le fait historique : l’armée de la république du Vietnam
Le film d’Oliver Stone permet d’entrevoir la complexité du conflit et donne accès à une perspective méconnue des spectateurs, la guerre vue du Vietnam du Sud.L’origine de la guerre du Vietnam est une guerre civile opposant les forces communistes du Vietnam du Nord aux forces Sud vietnamiennes .Comme d’autres guerres civiles, celle ci appellera l’intervention étrangère : celle des États Unis pour le Sud Vietnam, celle de la Chine populaire et de l’Union soviétique pour appuyer le Nord Vietnam. Le Vietnam deviendra alors un enjeu clé de la guerre froide où les États Unis et les pays du bloc communiste s’affronteront par pays interposés. Le sud Vietnam aura sa propre armée : l’ ARVN ou l’Armée de la République du Vietnam. Les films américains n’offrent pourtant qu’une vision binaire de la guerre du Vietnam en opposant le Vietcong qu’aux seuls soldats américains.
Et lorsque les sud-vietnamiens sont présentés dans le cinéma américain, c’est souvent sous un jour peu flatteur: »Be glad to trade you some arvn rifles. Never been fired and only dropped once. » lance en boutade dans Full Metal Jacket le marine « Cowboy » pour marchander le prix d’une prostituée. Cette phrase culte du film de Kubrick en dit long sur le peu considération que portaient les soldats américains envers leurs alliés sud-vietnamiens. En effet,le cinéma de guerre américain décrit l’armée sud vietnamienne comme une armée corrompue, peu fiable au combat, combat d’ailleurs que ses soldats semblent fuir à la première occasion. Et l’armée du sud eut effectivement à souffrir des carences en commandement et de la corruption de certains de ses cadres.
Pour autant, au-delà du portrait presque raciste dans ses exagérations dont le cinéma de guerre américain affabule les sud-vietnamiens, l’arvn remporta tout au long de la guerre des succès décisifs : l’offensive du têt fut aussi repoussée grâce à l’action des forces locales sud-vietnamiennes. Dans les années 70, l’arvn enregistra des progrès importants dans la pacification du sud-vietnam contre la guerilla vietcong (qui ne contrôla alors moins de 10% de la population rurale) et ses bases logistiques au cambodge .En 1972, les sud-vietnamiens arrêtèrent,épaulés par un soutien aérien massif américain, la plus grande offensive conventionelle lancée depuis la guerre de corée (appelée Nguyen Hue) commandée par le général nordiste Võ Nguyên Giáp ,le vainqueur de Điện Biên Phủ . Face à l’ampleur de ce revers infligé par les sud-vietnamiens(100000 tués et blessés nord vietnamiens) , le général nord-vietnamien dut même démissioner de son poste de commandant en chef de L’APV.
Enfin l’ARVN ne fut pas sous-exposée au combat: les Sud vietnamiens perdirent près de 250000 hommes durant la guerre, soit cinq fois plus que leurs alliés américains. Les armes de l’armée du Nord Vietnam firent un nombre bien plus important de victimes parmi les rangs de l’arvn que dans ceux de l’us army: pour les vietnamiens la guerre du Vietnam a donc bien été aussi une guerre civile. La romancière et soldate dans l’Armée Populaire du Vietnam, Duong thu huong fut confrontée à cette réalité du conflit lorsqu’elle croisa au front une colonne de prisonniers sud-vietnamiens « tout petits et complètement vietnamiens, eux aussi » : [..]pour la jeune patriote qui croyait se battre contre l’ennemi américain, ce fut un choc terrible. « J’ai pensé : nous sommes prisonniers d’une vallée obscure et tout ce qu’on nous raconte est faux.[..]J’ai découvert la vérité, dit-elle, en voyant que nous (les Vietnamiens du Nord) nous nous battions aussi contre des Vietnamiens. » source Le Monde
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The Real Afghan Lessons From Vietnam ,Lewis Sorley ,The Wall Street Journal
http://en.wikipedia.org/wiki/Army_of_the_Republic_of_Vietnam
« A better war ,The Unexamined Victories and Final Tragedy of America’s Last Years in Vietnam. » Lewis Sorley.
Green Dragon (Dragon vert) (2001) de Timothy Bui, avec Patrick Swayze, Forest Whitaker
A la fin de la guerre du Vietnam, des camps de réfugiés furent installés dans les déserts des Etats-Unis pour loger les plus de 100.000 immigrés vietnamiens en exode après la chute de Saigon .ce film a pour toile de fond l »un de ces camps, celui de Pendleton. Cette oeuvre s’intéresse à un phénomène méconnu : la lutte pour la survie de ces réfugiés vietnamiens fuyant le communisme mais ne trouvant pas en Amérique , le pays de liberté escompté. En effet les réfugiés ne pouvaient sortir du camp sans que des « sponsors » le leur autorisent. Ce film dresse le portrait de cette nouvelle diaspora vietnamienne : l’esprit de débrouillardise de l’immigrant, les espoirs mais aussi la tragédie des familles déchirées, des espérances déçues,l’identité perdue.
Le fait historique:L’exode des boat people
Les horreurs de la guerre ne cessèrent pas avec la fin des combats.De 1975 jusqu’aux années 90, plus d’un million de vietnamiens ont fui leur pays à bord de minuscules coques de noix emplies jusqu’à ras-bord de naufragés pour des raisons politiques et économiques. La traversée jusqu’aux camps de réfugiés sera terrible, du fait des conditions de navigation terribles ou des exactions des pirates de la mer de chine, certaines sources avancent que la moitié de ces naufragés auraient été perdus en mer. A l’arrivée dans les camps de réfugiés, certains menèrent une vie misérable pendant des années avant de trouver un pays d’accueil.
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http://archives.radio-canada.ca/societe/immigration/dossiers/504/
LA FILLE DU FLEUVE (Co gao tren song) Film de Dang Nhat Minh (Viêt-nam, 1987)
A la suite d »un accident de la circulation, Nguyet est à l’hôpital, où elle reçoit la visite de Lien, une journaliste. Pendant la guerre elle eut une liaison avec un partisan communiste .Celui-ci devenu haut fonctionnaire semble l’avoir oublié. Après la victoire de l »armée vietnamienne, Nguyet a été transférée dans un camp de rééducation, puis affectée àla construction des routes.Un film à la fois poétique et intelligent. Des éléments à charge contre les écarts des dignitaires du régime et l’expression des désillusions de la révolution. Par le destin de Nguyet, c’est le Vietnam traumatisé par la guerre que l’on perçoit: ballottée entre ses sentiments envers un partisan communiste et un soldat sud vietnamien, malmenée par la guerre en tant que prostituée, perdant ses illusions sur la révolution. Ce film délicat donne un éclairage brillant sur le peuple vietnamien et son rapport à la guerre.
Le fait historique : les camps de rééducation
Nguyet sort épuisée d’un camp de rééducation. Quelles étaient les conditions de vie de ces camps ?
Après la chute de saigon en 75 et la réunification du pays, les anciens fonctionnaires et militaires du régime du Sud Vietnam mais aussi des intellectuels et des journalistes prendront en masse le chemin des camps de rééducation, la version vietnamienne du système concentrationnaire soviétique, le goulag. Plusieurs centaines de milliers de personnes y seront internés pour des séjours parfois brefs, parfois pendant plus de 15 ans. La mortalité sera importante en raison des maladies, du manque de soins, et certains seront victimes d’épuisement lors de travaux forcés.
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http://www.ocf.berkeley.edu/~sdenney/Vietnam-Reeducation-Camps-1982
La Déchirure de Roland Joffé Film britannique en couleur, 1984, tout public
En 1972, Sydney Schanberg, correspondant de presse du « New York Times » arrive au Cambodge pour couvrir les premiers affrontements des Khmers rouges avec les forces du gouvernement de Lon Nol. Il se lie d’une profonde amitié avec Dith Pran, son assistant d’origine cambodgienne qui lui sert à la fois de guide et d’interprète. A la chute de phnom Penh, le 17 avril 1975, Dith Pran dont la famille a pu être évacuée à temps, sauve la vie de plusieurs correspondants étrangers prisonniers des nouveaux maitres de la ville. Tout le monde se réfugie dans l’ambassade de France, mais les Khmers rouges ordonnent le départ immédiat des ressortissants cambodgiens. Schanberg et ses amis ne parviennent pas à sauver Dith Pran qui prends le chemin de la captivité. Rapatrié, Schanberg ne cessera au cours des années suivantes de multiplier les démarches pour tenter de retrouver la trace de son ami disparu.
« Ceci est l’histoire d’une guerre et le récit d’une amitié; la tragédie d’un pays dévasté et l’aventure d’un homme qui lutte pour survivre » Sydney Schanberg.
La déchirure constitue le premier film de Roland joffé. Et pour un premier métrage, on peut dire que ce fut un coup de maître. Oscarisé pour la qualité de son montage, de sa bande originale et pour le jeu de ses acteurs, la déchirure n’est pas loin d’être un des films majeurs du XXème. Basée sur l’histoire réelle de sydney schanberg et de Dith pran, la déchirure dépeint l’histoire douloureuse du génocide cambodgien. Le sujet est difficile, mais comme dans ses autres oeuvres humanistes (Mission, la cité de la joie)Roland joffé parvient à introduire dans son film le récit d’une très belle histoire d’amitié prise dans les tourments de l’Histoire et ce faisant, il humanise son oeuvre témoignage. Le réalisateur arrive ainsi à impliquer le spectateur dans son propos et par la même nous fait comprendre une part sans doute tout à fait dérisoire de l’ampleur des horreurs de l’auto ethnocide cambodgien. Une oeuvre à la fois pédagogique et poignante, servie avec maestria par une direction d’acteurs formidables et une maîtrise quasi journalistique de la mise en scène.
La sortie de la déchirure en 1985 semble avoir été le déclencheur en France d’une prise de conscience quant à la nature du régime des khmers rouges: ainsi Patrick Sabatier journaliste à Liberation révisa son jugement à propos de la guerre au cambodge à l’occasion d’une critique du film de Roland Joffé.Ayant jusqu’alors accueilli avec une certaine bienveillance la victoire des khmers rouges en 1975 ,il déclara qu’« A trop avoir voulu « avoir raison » de cette guerre, on s’est laissé aveugler, on n’a rien vu, rien compris- ou presque » Libé, les maos et les Khmers rouges)
Le fait historique : l’escalade de la guerre, le Cambodge pris dans la Guerre du Vietnam
Le génocide cambodgien découle directement de la guerre civile qui fit rage au Cambodge dans les années 70. Cette dernière est à relier à la guerre du vietnam. En effet, ce conflit, appelé également deuxième guerre d’Indochine se déroulera sur l’ensemble de la péninsule indochinoise, Laos et Cambodge compris. Le Cambodge avait déclaré sa neutralité au début du conflit. En réalité, cette neutralité ne fut respectée par aucun des belligérants : les nord vietnamiens se servaient de ce pays comme base logistique pour leurs attaques contre le Vietnam du sud et soutenaient la guérilla communiste locale, les khmers rouges . Au début des années 70, Nixon décide d’engager l’escalade de la guerre au Cambodge: bombardiers B52 et soldats américains et sud-vietnamiens sont envoyés à la frontière. Dans le même temps, un régime pro américain prend le pouvoir à Phnom penh. Cependant, à partir de 1973 les Etats Unis se retirent d’Asie du sud-est et cessent leur aide à leurs alliés. Au Cambodge, la situation se dégrade rapidement et le 17 avril 1975 Phnom penh tombe aux mains de Khmers rouge. Un génocide implacable qui coûtera la vie à 2 millions de cambodgiens commence alors.
Le fait historique: les derniers instants du prince Sirik Matak
La déchirure offre un témoignage tragique sur les derniers instants de la famille royale cambodgienne alors réfugiée à l’ambassade de France suite à la prise de phnom penh par les khmers rouges. Celle-ci sera livrée ainsi que d’autres hauts fonctionnaires gouvernementaux(comme Ung Bun Hor président de l’assemblée nationale cambodgienne) aux hommes de Pol pot qui assiégeaient alors le bâtiment. Resituons le contexte de cette scène forte du film en revenant sur les derniers jours du prince sirik matak, qui faisait parti des dernières personnalités du gouvernement républicain à ne pas avoir fuit le cambodge.Les journées évoquées dans le film sont celles allant du 17 au 19 avril 1975.
- Le 12 avril 1975, John Gunther Dean, ambassadeur américain au Cambodge offrit l’asile politique aux plus hauts dignitaires de la république khmère, mais la plupart refusèrent. La réponse que fit à cette occasion Sirik Matak est restée célèbre:
Letter to US Ambassador to Cambodia John Gunther Dean:
« Dear Excellency and Friend,
I thank you very sincerely for your letter and your offer to transport me towards freedom. I cannot, alas, leave in such a cowardly fashion. As for you, and in particular for your great country, I never believed for a moment that you would have this sentiment of abandoning a people, which has chosen liberty. You have refused us your protection, and we can do nothing about it. You leave, and my wish is that you and your country will find happiness under this sky. But, mark it well, that if I shall die here on the spot and in my country that I love, it is too bad, because we are all born and must die one day. I have committed this mistake of believing in you, the Americans.
Please accept, Excellency, my dear friend, my faithful and friendly sentiments.
Prince Sirik Matak
- le 17 avril 1975,Phnom Penh est prise . Le matin même, dans la panique générale, le prince Sirik Matak, ancien prétendant au trône, la princesse Manivane, ainsi que d’autres personnalités n’ayant pas choisi l’exil, se sont présentés à l’ambassade de France pour y trouver refuge
- le 18 avril 1975 vers 18 heures, un officier khmer rouge s’est manifesté à l’entrée. Il a exigé brutalement la remise des dignitaires cambodgiens avant 8 heures le lendemain.
- le 19 avril 1975 à 8 heures les personnalités cambodgiennes sont livrées aux khmers rouges, l’ambassade de France ne pouvant s’opposer à leur capture.
- le 21 avril 1975 le prince Sirik Matak est exécuté par les Khmers Rouges.
En savoir plus:
« Je devrai, dans un délai qui ne pourra excéder 24 heures, livrer le nom de ces personnalités… »
« Quand Paris cédait aux Khmers rouges -Libération 29/06/2010 »
http://www.rue89.com/2007/09/20/pourquoi-paris-a-livre-mon-mari-aux-khmers-rouges
Article du Monde : Phnom Penh, 1975 : nuits rouges sur l’ambassade
A journey from the fall De Ham Tran – 2005 – USA/Viet Kieu
Avec Kieu Chinh, Long Nguyen, Diem Liem, Nguyen Thai Nguyen, Jayvee Mai The Hiep, Khanh Doan, Cat Ly
30 avril 1975, Saigon tombe aux mains des armées communistes du Nord Vietnam. Les américains, les membres du gouvernement et les généraux du Sud-Vietnam quittent le pays. Long Nguyen, malgré sa position d’officier dans l’armée du sud décide de rester au Vietnam. Emprisonné, dans un camp de rééducation, il prie sa famille de s’échapper par bateau sans lui. Sa femme Mai, leur fils son Lai et leur grand mère entreprennent un périlleux voyage dans l’espoir de rejoindre les Etats-Unis
Film fort et engagé, Journey from the Fall est un peu l’alter ego vietnamien de la Liste de Schindler de Spielberg,Ham Tran prônant aussi le devoir de mémoire envers un système concentrationnaire, celui qui fut mis en place après guerre au Vietnam.A travers le périple d’une famille de réfugiés, celle de Long Nguyen, journey from the fall fait donc le récit du drame subit par tant d’exilés et de prisonniers politiques au Vietnam(près d’une famille sur trois du sud Vietnam subirent à des degrés divers les conséquences de l’épuration d’après guerre): est décrit avec réalisme, les conditions de vie extrêmes des camps de rééducation (les travaux de prisonniers consistaient en la mise en culture de champs de mines)et les horreurs de l’exode des boats people . La deuxième partie du film se déroule aux Etats-Unis.Elle expose les problèmes d’intégration des nouveaux réfugiés et leur tentatives de reconstruction d’une nouvelle vie .Reconstruction, d’abord des conditions matérielles du foyer dans un environnement étranger difficile à appréhender voire même parfois hostile . Reconstruction aussi sur un autre plan, celui de la mémoire par la réappropriation d’un passé lourd à porter mais avec lequel il faut pourtant bien vivre. C’est alors qu’on saisit la richesse de Journey from the Fall: le film de Ham tran ne se contente pas de faire oeuvre de témoignage, en exposant les tragédies de l’après guerre-ce qui serait déjà au demeurant remarquable- .Il donne un sens à la définition même du devoir de mémoire: la perpétuation du souvenir des disparus et de leur sacrifice offre aux vivants la Liberté , la liberté d’envisager un avenir ,réconciliés avec leur passé et par là même avec leur identité.
Le fait historique : La fin de la guerre du Vietnam
« Les américains n’ont pas tenu leurs promesses. Ils nous ont abandonnés » Long Nguyen dans Journey from the Fall
Le sud-vietnam tombera aux mains du vietnam du Nord au cours d’une offensive éclair de 55 jours lancée en mars 1975.L’ampleur de la déroute des troupes du sud-vietnam n’aura d’équivalent dans les annales militaires que celle subie par l’armée française en 1940.
Long Nguyen, le héros du film, impute la chute du régime de saigon( qui se battait contre le nord vietnam communiste) aux promesses non tenues des américains. Quelles furent exactement les causes avancées pour expliquer la défaite de la république du vietnam du sud qui fut aussi celle des Etats-Unis?
- Le non respect des accords d’assistance militaire des Etats Unis envers le Sud-Vietnam:Les Etats-Unis s’étaient formellement engagés à soutenir le sud vietnam en cas d’agression du Nord, et ce en vertu d’ engagements pris dans le cadre de la signature des Accords de Paris : ce traité de paix conclu en 1973 avait fixé les termes d’un cessez le feu et du retrait des Etats-Unis du Vietnam, cependant à des conditions militaires défavorables au régime de Saigon. Afin de rassurer leur allié sud- vietnamien, les Etats-Unis avaient promis une réponse militaire américaine en cas de violation de l’accord par les troupes nordistes, notamment par l’envoi de bombardiers lourds B52 en appui aux forces sud-vietnamiennes. Cette promesse avait été personnellement portée par Nixon lui-même qui avait promis par le biais de lettres à son homologue sud-vietnamien,Nguyen van Thieu, de « sévères actions de représailles » contre toute tentative d’invasion du Nord. Or la paix issue des accords de Paris était factice, le Nord Vietnam attendant la première occasion propice pour réunifier le pays par la force. Et en 1975, lorsque l’offensive nordiste fut déclenchée, l’administration Ford désorganisée par le scandale du Watergate fut incapable de tenir les engagements de Nixon et rencontrant l’opposition du Congrès à ce sujet, ne put mettre en oeuvre le soutien aérien nécessaire à la survie du Sud-Vietnam, abandonnant effectivement ce pays à son sort.
- La réduction de l’aide en provenance des Etats-Unis: suite à leur désengagement de l’asie du sud-est en 1973 , les Etats-Unis réduisirent considérablement le soutien financier et matériel accordé au sud vietnam: de 35 milliards de dollars à leur plus haut niveau en 1968, les dépenses américaines au vietnam furent divisées par 50 ,pour atteindre un montant de seulement 700 millions de dollars en 1975. Les capacités opérationnelles de l’armée du sud vietnam en furent alors gravement affectées.(un fusillier sud-vietnamien ne reçut alors en dotation qu’1,6 cartouche par jour.)Même les hôpitaux furent touchés par la pénurie devant réutiliser bandages et seringues usagées. Encore ne faut-il ne pas exagérer le dénuement dans lequel ont été plongés les soldats du sud vietnam, il semble que les effets psychologiques de la diminution du soutien américain aient été plus dommageables que ceux ,bien qu’importants , observés dans la réalité.En effet,lors du départ des troupes américaines en 1973, ces dernières avaient légué aux sud vietnamiens des quantités très importantes de matériel,ce qui compensa en partie le tarissement de l’aide américaine observé en 1975. En revanche, le sentiment d’abandon puis de trahison envers l’amérique répandu dans les rangs de l’ARVN mina considérablement le moral des troupes. Et face au refus des Etats Unis d’augmenter le volume des livraisons d’équipements au sud vietnam dans les proportions requéries par le gouvernement du sud, la certitude que les stocks existants de munitions n’allaient pas être renouvelés poussa les généraux sudistes à en rationner fortement l’emploi ,diminuant d’autant l’efficacité et la puissance de feu de l’ARVN.La promesse de l’amérique d’une assistance matérielle au sud vietnam s’avéra aussi non respectée.Lorsque que le Nord déclencha son offensive en mars 75, l »armée du Sud ne possédait plus les moyens opérationnels de défendre l’ensemble de son territoire. Le haut commandement sudiste prit alors une décision qui précipita la chute du régime :l’abandon de la région des hauts plateaux.
- Les erreurs stratégiques du haut commandement sud vietnamien: la décision du commandant en chef du sud vietnam ,Nguyen van thieu, de se retirer des hauts plateaux en mars 1975 fut désastreuse : ce qui devait être une retraite stratégique se transforma en débâcle où des colonnes de millions de réfugiés fuyant les combats entravèrent la manoeuvre des soldats qui furent alors bloqués puis détruits sous le feu adverse .Ensuite, ordres et contre ordres contradictoires empêchèrent les troupes de l’ARVN d’organiser une défense efficace du sud vietnam. L’incompétence et la corruption de certains membres du corps des officiers, déjà dommageables lorsque l’Amérique finançait pleinement la guerre , furent fatals quand l’argent et les munitions manquèrent.Des officiers abandonnèrent leurs troupes qui se retrouvèrent désemparées face à l’ennemi. Le sud s’écroula alors sans que l’offensive nordiste puisse être arrêtée. Mais même alors que la défaite était inéluctable, des unités de l’ARVN se distinguèrent par leur héroïsme notamment lors de bataille de Xuân Lộc où les soldats de la 18ème division pourtant très sévèrement dépassés numériquement opposèrent une résistance féroce aux blindés de l’Armée Populaire du Vietnam.
- La modernisation de l’armée populaire du Vietnam : Alors que le soutien américain au Sud-vietnam diminuait drastiquement, le nord vietnam connut dans le même temps une augmentation sans précédent de son aide économique de la part de ses donateurs soviétiques et chinois et son . La République Démocratique Du Vietnam réussit aussi à contraindre ses alliés à maintenir à un niveau suffisant pour sa survie les livraisons de matériel militaire. Ainsi ceci amena l’historien militaire Lewis Sorley à avancer que « Many Americans would not like to hear that the totalitarian states of China and the Soviet Union had proven to be better and more faithful allies than the democratic United States, but that was in fact the case « .L’armée populaire du Vietnam beneficia alors des derniers perfectionnements en matière d’équipements militaires soviétiques. Plus encore, le commandement de l’armée du nord retint les leçons des différents revers militaires infligés par les américains et les sud vietnamiens dans les années précédentes de la guerre, en accordant plus de souplesse d’action et d’autonomie à leurs officiers , en améliorant la coordination interarmes et en modernisant profondément les moyens de communication et logistiques de l’APV. La célèbre piste Hochiminh qui alimentait en munitions les armées du nord fut aménagée en 1975 d’une piste de jungle en une autoroute à quatre voies complétée d’un système de pipelines courant du Nord au Sud du Vietnam.L’APV devint alors une armée à même de mener une guerre de mouvement,capable de lancer en profondeur des offensives mobilisant des centaines de blindés. Très loin du cliché romanesque véhiculé dans le cinéma d’occident d’une victoire conquise par une guerilla de paysans en haillons, la guerre du vietnam fut remportée par une armée conventionelle classique ,dotée de chars modernes et de missiles de combats du dernier cri.
http://en.wikipedia.org/wiki/Ho_Chi_Minh_Campaign
Pour continuer
Si vous voulez continuer à vous informer sur la guerre du Vietnam peut être pourra t-on vous orienter vers la littérature ,aussi riche sur ce sujet qu’a pu l’être le cinéma.Une courte bibliographie: Bao ninh et son livre le chagrin de la guerre vous fera vivre la guerre du côté de l’Armée populaire du Vietnam, Cruel avril d’oliver todd est un livre didactique et passionnant sur la fin de la guerre du vietnam , enfin les oeuvres de Dương Thu Hương qui a personnellement participé à la guerre du côté communiste sont pétries d’authenticité.
Pour une terminer voici une citation de Dương Thu Hương romancière vietnamienne, vétéran de l’armée populaire du vietnam, sur son experience au front : »durant la guerre j’ai trouvé la vérité[à propos du sens véritable de la guerre]: [la guerre du Vietnam ne fut pas ] une guerre contre un envahisseur étranger. C’est une guerre stupide, avec le peuple [vietnamien]qui sert de tampon entre deux rivaux historiques[l’est et l’ouest]. C’est dommage pour notre peuple , cette guerre fut la plus stupide de notre histoire ».« Mystères et personnages » ,Bibliothèque Médicis du 23/01/09,Public Senat.
Pour en savoir plus: deux articles des cahiers du nem, spécialement dédié à l’Historiographie de la Guerre du Vietnam.
Histoire de la Guerre du Vietnam: la bataille des mémoires
Retour au début du dossier: La première partie du dossier qui présente les films qui nous font vivre la guerre du point de vue des Usa reste disponible ici
Cet article à été cité par
Fiches de révision : la Guerre froide (1947-1991) Collège Voltaire Sarcelles (95))