L’infatigable éditeur militant de poésie Bruno Doucey œuvre sans relâche en faveur des poètes contemporains, de toutes origines, porteurs des passions du présent. Remarquable révélateur des auteurs du monde, Bruno Doucey signe avec Indomptables un roman du dépassement généreux de soi, de la solidarité et de la résistance. Ce titre s’ajoute à une œuvre qui compte déjà un cycle de sept romans consacrés à des poètes opprimés, comme Victor Jara, Pablo Neruda, Max Jacob ou Yannis Ritsos

Indomptables se déploie dans le cadre formel d’une habile structure narrative, qui finit par prendre le lecteur par surprise. Trois personnages principaux, une petite Népalaise marathonienne qui rejoint les pentes du Mont Blanc après une vie d’enfant soldat, un boxeur ukrainien, une femme terrée dans un abri de Marioupol. Leurs destins s’entremêlent, dans l’espace de récits très concrets, et dans le temps. Concrets, le ressenti du combat de boxe « imprévisible et déroutant », les journées harassantes de l’enfant soldat, le souffle et les cailloux du chemin du marathon, l’enfer du réacteur en feu…  

Les chapitres, associés à des dates précises, sont inscrits dans une chronologie qui combine les époques. Les modèles réels de ces personnages existent bien. Mais c’est leur inscription dans l’imaginaire romanesque qui leur confère une dimension quasi mythique. L’effort, le dépassement, la quête indomptable de la liberté, condition première de la vie, est leur marque, et donne le titre du roman. 

Le risque existait de tendre vers une littérature démonstrative. Mais la plus forte surprise attend le lecteur au fil du récit. Impossible de la dévoiler. Elle montre comment le romancier jongle avec magie entre le réel et l’imaginaire, le ressenti de l’effort et sa valeur de dépassement. Il souligne lui-même que « le sport peut déplacer l’espace du conflit sur une scène symbolique » et peut alors mettre en cause nos choix de vie. On ne peut qu’acclamer ici le parcours de marathonien littéraire de Bruno Doucey.

Grand arpenteur du Népal, de l’Ukraine et de la Crète, cartographe de contrées où il croise des personnages réels jamais rencontrés mais pourtant vivants, ou bien s’aventure chez les héros de la mythologie grecque, Bruno Doucey, tel Achille, a « les pieds légers et agiles ».

Previous articleEntretien avec Dinh Q. Lê : Une jeunesse à Hà Tiên pendant la guerre, entre le Viêt Nam et le Cambodge
Next articleNgo Van Chieu : Journal d’un combattant Viêt-Minh, récit extraordinaire de l’ordinaire de la guerre
Henri Copin est membre de l'Académie littéraire de Bretagne et des Pays de la Loire, auteur de livres et d’articles sur la représentation de l’Indochine et de l’Afrique dans la littérature française.

Laisser un commentaire