Nghia Vo Trong : l’architecte des éléments

L’Asie connait une vitalité architecturale forte. Symbolisant les effets du développement en vol d’oies sauvages, l’itinéraire de Nghia Vo Trong permet d’observer le dynamisme créatif au Vietnam, un pays en plein développement et qui n’attire encore que peu l’attention des férus d’architecture.Nghia Vo Trong fait partie de la nouvelle génération talentueuse des architectes. Âgé de 40 ans seulement il a connu des débuts foudroyants. Depuis 2007 et l’obtention du  Prix international d’architecture (IAA) pour son café en bambou à Binh Duong, l’architecte vietnamien   a remporté près de 30 prix internationaux d’architecture  : deux médailles d’or de l’Association des architectes d’Asie, cinq Architecture Awards internationaux (États-Unis), quatre Green Good Design Awards (États-Unis), deux prixGreen Leadership Asie FuturArc.  Et pour l’année 2014 il en a remporté deux :  l’Architects Regional Council Asia (ARCASIA) award pour son Dailai Bamboo Complex et le AR Houses award pour House for trees. Pour preuve de sa renommée, son pays la choisit pour réaliser le pavillon du Vietnam pour l’exposition universelle 2015 de Milan de  Un tel succès récompense un architecte original par son parcours et visionnaire par ses choix.

Ecole japonaise

Nghia est né en 1976 dans une famille paysanne dans la province centrale de Quang Binh. Diplômé de l’Université d’architecture de Hanoi, il a obtenu une bourse du gouvernement japonais en 1996 pour étudier l’architecture à l’Institut de technologie de Nagoya pendant quatre ans. Ce passage par le Japon a été essentiel. Il a découvert la grande autonomie laissée aux étudiants, le prestige des architectes. Il s’est fait la main en travaillant gratuitement pour des cabinets d’architectes. Il part ensuite pour Tokyo où il remporte le prix Furuichi de l’Université de Tokyo pour son mémoire de maîtrise. Un an plus tard, il se rend à  l’Université de Tokyo Award où sa thèse de doctorat est félicitée. Le thème de ce travail est essentiel pour comprendre son évolution.
En effet il a longuement hésité.  Il s’intéressa à un projet de maison en bois de cinq étages mais finalement, choisit  la thèse sur l’aérodynamique, le vent et l’eau. Il s’agit de la « formule » pour son succès à l’avenir.  Car l’architecte est aussi ingénieur sensible aux questions énergétiques. Une foi ses études achevée il retourne au Vietnam, sur les conseils de son professeur pour se confronter à la réalité du métier d’architecte.  De ces années il tire un goût pour les projets audacieux, la volonté de relever des défis insurmontables. En cela son passage par Tokyo et la « folie » foncière est essentiel. Son parcours rappelle un autre grand nom de l’architecture asiatique : le japonais Shigeru Ban parti étudier aux Etats Unis. On va le voir la comparaison entre les deux hommes est très forte.
  

 L’architecte des éléments
Bamboo Wing Restaurant
Bamboo Wing Restaurant
«Je suis un Vietnamien et je souhaite me consacrer au Vietnam« , a-t-il expliqué à propos de sa détermination à revenir au Vietnam après dix ans au Japon et  après avoir refusé dans l’archipel de nombreuses offres attractivesIl fonde sa compagnie en 2006 avec trois architectes japonais et retourne au Vietnam en 2007. Son cabinet va être imprégné de cette double filiation, des défis et des innovations observées dans l’archipel..  Il conçoit en 2007 le café de l’eau et du vent dans la province de Binh Duong. Ce travailutilise le vent et l’eau comme climatiseurs naturels. Ce bâtiment  de bambou a été largement connu à la maison et à l’étranger. Ce succès l’a paradoxalement gêné. La communauté locale l’a en effet mal accueilli, le jugeant « étranger ». C’est donc vers la reconnaissance internationale de l’architecture qu’il s’est tourné. Mêlant adroitement modernisme et respect de la culture locale, son oeuvre suscite l’intérêt de la communauté. Très ouvert il invite de nombreux architectes étrangers au Vietnam pour travailler avec de jeunes architectes, afin de former de jeunes architectes talentueux. S’il reste attaché à son goût pour le bambou, l’eau et le vent, il va sans cesse jouer avec des trois éléments comme autant de variation au service d’une efficacité à la fois énergétique et architecturale.  Son style s’intègre alors parfaitement au nouveau courant dit des green building. Mais ce n’est pas lui qui se greffe à ce mouvement mais sa propre sensibilité et sa croyance que l’architecture en bambou va dominer le monde qui entrent en symbiose avec l’évolution architecturale.
Stacking House
Stacking House
Stacking House
Stacking House
Il poursuit ainsi des œuvres architecturales respectueuses de l’environnement ou des travaux de construction écologiques. Une maison à Ho Chi Minh Ville, nommé « Stacking Green, »  est une merveille de synthèse entre le style japonais vertical, serré et la sensibilité de l’architecte, ; l’École Trinh Chau Phan à Binh Duong ou la Pouchen Kindergaten à Dong Nai sont des tests pour la nouvelle tendanceCes travaux, en utilisant de nombreux arbres et des principes aérodynamiques liés au vent, de l’eau et de la lumière, ont remporté des prix internationaux.
Pouchen Kindergate
Pouchen Kindergate
Maison pour tous                                                                                                                    
House for trees
House for trees

Nghia  fait aussi des maisons à faible coût, qui sont adaptés au climat du Vietnam et le revenu de la plupart des Vietnamiens. Ces maisons de  40m ² coûte entre 16,000-24,000 $. Nghia dit que les  belles œuvres peuvent être des œuvres à bas prix. Chaque œuvre architecturale doit transmettre un nouveau message et l’idée et être appropriée par tout le monde. On est loin des projets d’écocity qui se révèlent réserver à une élite économique. Une fois encore le parallèle avec Shigeru Ban et ses maison en papier saute aux yeux. Les deux hommes proposent une architecture de la retenu sans tomber dans le minimalisme.  Il en va ainsi pour the House for trees une maison prototype dans un budget serré de 156 000 $. L’objectif du projet est d’apporter un espace vert dans la ville, pouvant accueillir des habitations répondant à la forte  densité dotées de grands arbres tropicaux. Cinq boîtes de béton sont conçues comme des «pots» plantées d’arbres sur leurs sommets. Avec une forte épaisseur de sol, ces pots fonctionnent également comme des bassins d’eaux pluviales captant et retenant l’eau, contribuant à réduire le risque d’inondation dans la ville. 

Stone House
Stone House

Il reste néanmoins fortement imprégné du passage japonais : maison étroite, maximisation de l’espace, jardins suspendus. Mais loin d’un simple copiage, c’est une retransposition assumée et enrichie des innovations, découvertes menées depuis des décennies par les architectes japonais. Il en retient ce qui s’adapte aux condition locales : l’usage de matériau écologique, l’utilisation de tout l’espace… Un exemple : sa maison en pierre à Hanoï.  Au Vietnam, les maisons ordinaires sont faites en béton armé, la brique, le plâtre alors que  les ressources naturelles abondantes du pays tels que la pierre, le bois sont marginalisées. L’objet de ce projet était de créer un espace qui permet d’enregistrer les changements et les traces du temps au fil des ans par le vieillissement des matériaux naturels, ce qui contribue à cultiver la beauté et de renforcer l’affection des  habitants pour  la maison. Pour atteindre cet objectif, des moellons de la province de Thanh Hoa (dite pierre bleue) et le bois dur (« Go Huong ») ont été choisis pour la matière principale de la maison et ils sont intégrés avec de la verdure. C’est la composante vietnamienne du projet. Pour la partie japonaise, il faut regarder le plan. En effet une caractéristique de cette maison est la disposition des pièces dans un plan elliptique et ouvert. Les chambres, composées  en quatre groupes, entourent la cour ovale.  Cette dernière est formée d’un petit étang et d’un arbre qui rappelle la simplicité des jardins japonais. Cette recherche de fluidité se retrouve également au niveau du toit vert, jardin suspendu qui relie l’ensemble de la maison.

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