Portraits croisés : les généraux méritants

L’historiographie est souvent sévère avec la Chine nationaliste, en particulier sur les qualités de ses généraux. Il est vrai que l’armée de Chiang Kai Chek a rarement brillé malgré le courage indéniable de ses soldats. Etrillée par l’armée impériale japonaise, chassée du continent par les forces communistes, elle a fait montre d’un déficit de commandement. Les généraux nationalistes commettant d’impardonnables fautes stratégiques devaient leur place plus à leur sens de la flatterie qu’à de réelles qualités tactiques. Or dans ce tableau très noir, un personnage se distingue : Sun Liren, un des rares généraux à avoir remporter des victoires remarquables au point d’inquiéter Chiang Kai Chek qui refuae de lui confier le commandement des forces nationalistes. Un général qui faisait de l’ombre comme le général Davout au temps de Napoléon.

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Louis Nicolas Davout

 

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Sun Liren

Le général Davout, maréchal d’empire, est issu d’une famille de la petit noblesse. Engagé très jeune dans les armées royales, il gravit les échelons grâce aux guerres révolutionnaires et à ses talents de commandement. Sa rencontre avec Bonaparte va en faire un général de division puis un maréchal dirigeant un corps d’armée. En Egypte, en Italie, ses qualités sur le terrain en font le meilleur subordonné de l’empire commandant le meilleur corps de la Grande Armée, le 3è. A Austerlizt en 1805, c’est à lui que Napoléon confie son aile droite sensée retenir l’attaque massive des austro-russes : à 1 contre 3 ses troupes résistent et même contre attaquent participant à l’encerclement des russes. L’année suivante en 1806, à Auerstaedt toujours à 1 contre 3 il bat l’armée prussienne contribuant à la destruction de la puissance militaire prussienne. A Eylau il tient l’aile droite de l’armée impériale. Il se distingue encore en 1809 à Eckmühl et surtout à Wagram où ses attaques contre l’aile gauche autrichienne forcent la décision. Couvert d’honneur, il participe à la campagne de Russie et à celle de l’Allemagne de 1813 d’où il ressort invaincu. Mais au lieu de lui confier des corps d’armée supplémentaires, Napoléon le cantonne à la défense du Nord, erreur funeste car les autres maréchaux (Ney, Oudinot)  commettent de nombreuses erreurs conduisant à la défaite de Leipzig. Replié à Hambourg Davout résiste à tous les assaut des coalisés et ne livrera la place qu’une fois que Napoléon a abdiqué. Lors des 100 jours, il se rallie à Napoléon qui le nomme ministre de la guerre et gouverneur de Paris où il brille. Mais Napoléon se prive des qualités de son meilleur général, préférant faire de Soult son chef d’Etat major, de Ney et de Grouchy ses bras droits dont le courage ne compense par leur faiblesse tactique. L’absence de Davout est souvent invoquée pour expliquer les fautes de la campagnes de Belgique et le désastre de Waterloo. Une général qui fit de l’ombre à l’empereur, tel fut le destin du plus brillant maréchal d’empire.

 Sun Liren surnomme le « général toujours victorieux » est un diplomé de génie civil de l’université Tsinghua de Pékin en 1923 puis des universités de Purdue et du Virginia Military Institute. Il part aussi se former en Angleterre, en Allemagne, en France et au Japon avant de rejoindre les rangs de l’armée nationaliste. Nommé colonel en 1930, général en 1937, il commande la 38è division, une force d’élite. C’est à sa tête qu’il réalise ses premiers exploits lors de la guerre nippo-chinoise : en 1941 lors de la campagne de Birmanie sa division s’engage dans la bataille de Yenangyaung et dégage 7 000 soldats britanniques encerclés par les Japonais. Reconnu pour ses mérites par les britanniques, sa division est intégrée aux troupes alliés menant à partir de 1944 la difficile reconquête de la Birmanie. Le général Stilwell considère que Sun Liren est le plus compétent des généraux chinois. En 1946 alors que la guerre civile chinoise reprend, Chiang déploie la 1ère armée de Sun en Mandchourie. Il bat les forces communistes de Lin Biao à Sipingjie, une des rares victoires nationalistes sur les communistes. Ces derniers déclarent : « tant que nous n’avons pas à affronter la 1ère armée, nous n’avons pas peur combattre 1 million de soldats nationalistes ». Malheureusement Chiang jaloux retire son commandement en 1947 à Sun et l’envoie entraîner les troupes à Nankin puis organiser la défense de Taïwan. Nommé général d’armée en 1951, il est l’officier le plus puissant de Taïwan mais il s’attire la jalousie du fils de Chiang Kai Chek, Ching Kuo. Il est placé en 1955 en résidence surveillé à Taizhong pour n’avoir pas décelé un « complot communiste » au sein de son entourage. Libéré en 1988, il meurt en 1990 et est réhabilité en 2001.

Comme Davout, Sun Liren possède un excellent sens tactique et stratégique ; dur et exigeant avec ses hommes, il fait de ses troupes des formations d’élite redoutées de l’ennemi. Les deux hommes ont cependant suscité une certaine méfiance de la part de leur supérieur qui ne surent pas les employer totalement à leur juste mesure, ce qui contribua à leur défaite.

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